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15/10/2019

La paysannerie colombienne a été l'une des héroines de la pandémie provoquée par Covid-19 et, en même temps, l'une des populations qui a le plus souffert des politiques néolibérales mises en œuvre par le gouvernement d'Iván Duque. Les paysan.ne.s du pays poursuivent leur travail au milieu du Covid-19, qui n'a profité qu'aux banques et a aggravé la situation historique de la paysannerie.

Alors que le gouvernement a publié des décrets pour sauvegarder les intérêts des grandes entreprises et des banques, la paysannerie colombienne a continué à cultiver les aliments qui approvisionnent l'ensemble du territoire national. Cependant, l'État n'a pas généré de politiques visant à soutenir cette activité vitale et, au contraire, il a encouragé des actions qui mettent aujourd'hui en danger la vie et la santé des personnes vivant dans les zones rurales.

Duque a militarisé les territoires, ce qui rend non seulement vulnérable les communautés mais répand également le virus Covid-19 dans les populations que la maladie n'avait pas encore atteintes, en mobilisant des troupes qui ne respectent pas les mesures de biosécurité. Et ceci dans des territoire oú il n'y a pas d'infrastructure hospitalière en place pour soigner les personnes qui ont contracté le virus.

Éradication forcée et paramilitarisme

En outre, l'absence d'infrastructures routières, le manque de programmes de soutien à la paysannerie et l'importation de denrées alimentaires qui ne sont pas nécessaires parce qu'elles sont déjà cultivées dans le pays ont un impact direct sur les prix des produits agricoles, et les bénéfices dérisoires qu'en tirent la paysannerie. Cette situation, à laquelle s'ajoute à la répartition inégale des terres et au contrôle territorial exercé par les groupes armés illégaux, a conduit de nombreuses familles paysannes à recourir aux cultures illicites, de feuille de coca par exemple, comme moyen de subsistance.

Le gouvernement Duque, conscient de cette situation, a encouragé l'éradication forcée de ces cultures sans leur accorder d'autres moyens de subsistance. Cette politique d'éradication vise a criminalisé les cultivateurs, sans résoudre les causes structurelles qui ont conduit les paysans à recourir à cette alternative : l'accumulation de terres par les propriétaires terriens.

 

Les militaires dans l'éradication forcée des cultures de feuilles de coca.

Le retour de la sécurité démocratique

La situation dans les campagnes colombiennes a été aggravée par une forte augmentation de la violence contre les communautés, en particulier dans les zones rurales. Ainsi, au cours du dernier mois, il y a eu plus de 6 massacres, qui s'ajoutent aux plus de 60 massacres qui ont été commis en 2020. La violence, bien qu'elle n'ait jamais quitté la campagne, n'avait pas atteint des taux comme ceux observés sous le gouvernement Duque depuis plus de 10 ans .

Après le récent appel de la Cour suprême de justice à l'ancien sénateur Alvaro Uribe pour qu'il enquête sur sa possible responsabilité dans les massacres de La Granja (1996) et d'El Aro (1997), l'uribisme a opté pour la diffamation, la délégitimation de la justice et la violence politique et sociale ; cet période rappelle la politique de "sécurité démocratique" de l'administration Uribe (2002-2010), dans le cadre de laquelle de multiples crimes contre l'humanité et violations des droits humains ont été commis.

Comme si cette situation n'était pas suffisamment grave, le 24 août, le ministère de la défense a annoncé la reprise des pulvérisations aériennes de glyphosate, une pratique dénoncée à de multiples reprises par les mouvements sociaux et les entités de l'État telles que la Cour constitutionnelle et le bureau du vérificateur. Le glyphosate menace non seulement la santé des communautés, mais il détruit également d'autres cultures voisines et contamine les sources d'eau.

Reconnaissance juridique paysanne

L'abandon historique et intentionnel par l'Etat de ce qui était auparavant des territoires nationaux et qui sont aujourd'hui regroupés dans la catégorie des zones rurales rend les conditions de la paysannerie de plus en plus précaires. Cependant, les communautés paysannes continuent à résister et à générer une dynamique organisationnelle afin d'améliorer leur qualité de vie. La création des Gardes paysannes est une étape importante, car elle a permis de renforcer les pratiques d'autoprotection et de défense de la vie et du territoire.

C'est ainsi que les paysan.nes ont également perçu la nécessité de faire entendre leur voix dans d'autres instances, dont le Congrès de la République. C'est de là que viennent leurs revendications pour la défense de la vie paysanne colombienne. En 2014, avec le soutien du parti politique Polo Democrático Alternativo (PDA), Jesús Alberto Castilla, paysan du Catatumbo a été élu au Sénat de la République. Il y a proposer plsuieurs projet de loi visant la reconnaissance juridique de la paysannerie.

Le Congrés des peuples invite chacun.ne à être vigilant.e et à ne pas rester silencieu.ses face à la dépossession des terres et à l'exploitation des paysan.nes, à dénoncer largement la corruption des institutions de l'État et l'alliance possible entre la Force publique et les groupes armés illégaux. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons garantir l'intégrité et la survie des familles paysannes et, par conséquent, de toutes les familles colombiennes. Nous devons reconnaître que la paysannerie est un sujet de droits, victime de multiples crimes d'État et de négligence délibérée de la part du gouvernement pendant des décennies, une situation qui s'est aggravée sous la présidence d'Iván Duque.

 

Original: https://vidadigna.congresodelospueblos.org/2020/08/25/militarizacion-ma…

Auteur.trice
Vida Digna traduit par PASC