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01/12/2016

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Le 12 novembre dernier, à La Havane, les représentants du gouvernement colombien de Juan Manuel Santos et de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont signé un accord de paix qui cherche à mettre fin à des décennies de conflit armé entre eux.

Le « nouvel accord final » arrive cinq ans après le début des négociations entre les FARC et l'État colombien à La Havane et six semaines après que le premier accord fut rejeté de peu par référendum. Le 2 octobre dernier, la première version de l'accord de paix avait, en effet, été soumise à la population colombienne, et c'est le camp du « non » qui l'emporta de 0,5%. Cela démontre à quel point la société colombienne demeure polarisée autour du sujet.

La nouvelle mouture de l'accord vise à répondre aux préoccupations du secteur ultra-conservateur qui a mené la campagne du non au dernier référendum. Selon le gouvernement colombien, il témoigne de ce qui peut être « réalisé via le dialogue et le compromis ». Plusieurs des modifications apportées sont liées à la justice, à l'emprisonnement pour les combattants accusés de crimes de guerre et aux réparations pour les victimes du conflit. À ce titre, les FARC devront devront publier l’inventaire de leurs biens et les combattant.es démobilisé.es seront confiné.es à la localité qui leur aura été assignée dans le cadre  des « peines restrictives de liberté ». Face au droit foncier, le nouvel accord précise que la propriété privée sera respectée, freinant définitivement toute perspective de réforme agraire.  

Au niveau social, le nouvel accord ne va pas aussi loin que l'original quant à la protection des droits des femmes et des communautés LGBTI, qui ont été affecté.es de manière disproportionnée par le conflit. Ainsi, il réduit l'application de la « perspective de genre » et  presque toutes les références aux communautés LGBTI ont été retirées. De plus, seules certaines parties du nouvel accord seront intégrées à la Constitution du pays. Ratifié par le congrès, ce nouvel accord passera à l'histoire, porteur d'espoir pour certain.es, il représente de nombreux défis quand à son application.  

Malgré ses limitations, plusieurs mouvements sociaux reconnaissent que cet accord est un pas vers la paix. Cependant, il ne règle pas les problèmes sociaux qui sont la cause du conflit armé. Alors que le président Santos reçoit le prix Nobel de la paix, les activistes sociaux continuent d'être menacé.e.s et assassiné.e.s en toute impunité – les violences envers les défenseur.e.s de droits humains seraient impunis dans 95% des cas. La majorité de ces cas sont liés à la présence paramilitaire. 

La protection des défenseur.es des droits humains et des leader.es sociaux est essentielle pour instaurer une paix à long terme. Toutefois, comme cela s’est produit au cours d’autres processus de paix, le nombre d’incidents violents est à la hausse. Jusqu'à maintenant, en 2016, 70 personnes ont été assassinées, 282 menacées et 32 attentats ont été reportés, sans compter les personnes déplacées ou forcées à l'exil. Ces personnes font partie de mouvements sociaux – comme la Marcha Patriótica, le Congrès des Peuples, les mouvements des femmes, des étudiants et LGTBI. Nous dénonçons particulièrement les attaques contre les femmes, qui constituent des « agressions à caractère correctif », ayant comme objectif de miner les leaderes et casser les processus sociaux.

Le gouvernement colombien a récemment interrompu de façon unilatérale les pourparlers avec le deuxième mouvement armé en importance au pays, l’Armée de libération nationale (ELN). Il est tout aussi important pour le gouvernement Santos d’entreprendre des négociations sérieuses et publiques avec l’ELN et l’EPL. Enfin, doit être aussi adressée le fait critique de la prolifération de groupes paramilitaires, dans des régions laissées vacantes par les FARC. Ainsi, la ratification de l'accord de paix est un pas, mais la route est longue pour assurer la paix qui, comme le rappelle les mouvements sociaux, ne pourra voir le jour sans se pencher sur les problèmes sociaux qui sont la cause du conflit armé. 

 

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Les dix modifications fondamentales apportées à l’accord de paix *


1. L’accord de paix ne sera pas entièrement intégré au bloc constitutionnel

Les parties ont décidé de ne pas insister pour que l’accord de paix soit entièrement intégré au bloc constitutionnel. Cette question était importante pour les FARC qui cherchaient ainsi à ce que l’accord ait une valeur constitutionnelle pour assurer leur immunité légale. Les partisans du « non » n’avaient jamais voulu qu’on ajoute 297 pages à la constitution. Les seuls éléments qui seront intégrés à la constitution sont ceux qui traitent des questions relatives aux droits de la personne et au droit humanitaire international (DIH).

2. La Cour constitutionnelle réexaminera les recours de tutelles intentés contre des décisions relatives au cadre juridique pour la paix

Le nouveau texte de l’accord ne laisse pas totalement tomber le cadre juridique d’exception, il intègre une justice transitionnelle au système ordinaire, prise en charge par la Cour constitutionnelle. Ce sera cette Cour qui examinera les procédures judiciaires intentées à l’encontre des décisions rendues dans le cadre juridique d’exception. La nouvelle proposition constitue un compromis entre la solution envisagée par le camp du « non » et ce qui avait été envisagé par la Cour suprême de justice et le Conseil d’État. Enfin, même s’il y aura, dans des cas exceptionnels, une possibilité de recours en tutelle, c’est la Cour constitutionnelle qui aura le dernier mot en toute chose.

3. Précision sur les limites à la liberté des guérillas

Les mécanismes effectifs de restriction de liberté des guérilleros ont été précisés. Les tribunaux de la juridiction d’exception détermineront des espaces concrets dans lesquels les guérilleros devront rester tout au long de leur peine (qui ne seront guère plus vastes qu’une zone rurale transitoire de normalisation), la durée pendant laquelle ils devront subir ces sanctions et leur lieu de résidence pendant tout ce temps.

Il leur sera également nécessaire de demander une autorisation pour sortir de ces zones. Il est à noter que le temps passé dans les zones rurales, même avant le cadre d’exception, sera déduit de la peine et des compensations. Ce point satisfait le mieux aux revendications des partisans du « non », qui n’avaient jamais demandé la prison pour les guérilleros, mais à ce que les zones où ils seraient confinés soient restreintes.

4. Les liens avec le narcotrafic dans la jurisprudence de la Cour

L’accord renégocié a clarifié le fait que la norme applicable devant les tribunaux sera le Code pénal colombien et que les normes procédurales conséquentes devront être mises en œuvre. Les liens entre le narcotrafic et les délits politiques seront examinées cas par cas au regard de la jurisprudence des cours colombiennes. À cet égard, la Cour suprême de justice a affirmé que ces liens existent lorsque l'activité de narcotrafic se fait dans le but de financer la guerre.

5. Des magistrats colombiens

Le nouveau texte de l’accord interdit aux magistrats étrangers de rendre des décisions dans le cadre du processus de paix. Toutefois, des experts étrangers peuvent toujours être présents comme conseillers pour les causes entendues. Le cadre judiciaire d’exception sera mis en place pour une durée de dix ans et les requêtes ne pourront être déposées qu’au cours des deux premières années.

6. Pas de nominations aléatoires

Le nouveau texte de l’accord prévoit que le parti politique qui naîtra de la démobilisation des FARC ne pourra, après avoir intégré la vie civile, présenter de candidats pour occuper les 16 postes temporaires créés par les dispositions de l’accord. Ces postes seront octroyés aux membres des communautés et victimes affectées par le conflit.

La disposition qui prévoyait que les FARC recevraient 30 % du financement politique, pour être à égalité avec les autres partis politiques, a été supprimée. Dans le même chapitre, il est écrit que la contestation sociale doit toujours être pacifique et que l’État a l’obligation de protéger les droits de tous les citoyens.

7. Respect de la liberté de culte et la question du genre

En réponse aux questions de l’Église, des communautés chrétiennes et des partisans du « non », les FARC et le gouvernement ont défini ce qu’ils entendaient par la question du genre : « Cela signifie la reconnaissance des droits et de l’égalité entre les hommes et les femmes et les particularités qui caractérisent chacun d’eux.

« Il s’agit de la reconnaissance du fait que le conflit a affecté d’une manière différente les femmes. Par conséquent, des mesures distinctes et clairement définies doivent être prises pour rétablir leurs droits », a affirmé Santos. Dans cette déclaration, le président ne fait aucune mention de la communauté LGBTI. Toutefois, rien ne permet de croire que leurs droits seraient restreints. 

En ce sens, l’accord fait mention du principe d’égalité y condamne la discrimination, quelle qu’elle soit. Cela implique que toute personne jouit de droits. En réponse à certaines requêtes, l’accord comporte une disposition relative à la liberté de culte, c’est-à-dire la reconnaissance et le respect de toutes les pratiques religieuses.

8. Inventaire des biens des FARC

Une question particulièrement délicate avait trait aux biens des FARC qui seraient utilisés pour la réparation des victimes. La quantité d’argent détenue par les FARC est inconnue. Le nouveau texte de l’accord prévoit qu’au moment de rendre les armes, les FARC devront présenter un inventaire de leurs biens et de leurs actifs, qui serviront à la réparation matérielle des victimes.

Cette question a déjà été la cause d’hostilités entre Jesús Santrich, leader des FARC, et Néstor Humberto Martínez, directeur de la Fiscalia, qui a exigé que les FARC enregistrent tous leurs biens. Martinez a d’ailleurs fait savoir qu’il utiliserait tous les moyens nécessaires pour mettre la main sur la fortune des FARC.

9. Les tiers pourront se faire entendre devant les tribunaux

Dès sa première apparition publique au lendemain du référendum, l’ancien président Uribe a demandé à ce que les tiers soient exclus des compétences des tribunaux de la juridiction d’exception. Malgré cela, le nouveau texte de l’accord maintient ces compétences pour examiner les affaires relatives au financement et à la collaboration avec les acteurs du conflit par des tiers non-combattants qui ont eu une participation active ou déterminante dans les crimes les plus graves. 

Aux côtés de cette question, il est établi que quiconque contribue aux mesures de vérité et de réparation puisse avoir certains bénéfices, comme l'absence de poursuites pénales ou autres. « Ceux qui ne sont pas responsables de crimes graves pourront voir l'arrêt des procédures qui les affectent aujourd'hui au sein du système ordinaire », a affirmé le président Santos. De plus, il a annoncé que les ONG ne pourront agir comme procureur et porter des accusations : « Ils ne pourront que déposer des éléments de preuves qui pourront être examinés et contre-vérifiés par les magistrats des tribunaux. »

10. Une commission d’experts pour réviser les lois agraires

Même si la nouvelle loi agraire n’est pas traitée dans le nouveau texte de l’accord de La Havane, une commission d’expert sera mise sur pied pour se pencher sur la question, étant donné le grand nombre d'inquiétudes à ce sujet. Santos a indiqué clairement qu’aucune Zone de réserve paysanne autre que celles déjà en vigueur ne serait autorisée et que rien dans l'accord n’affecterait le droit à la propriété privée. Il a également expliqué que le découpage des terres n’en affecterait pas la valeur.

 

* Cette section est constituée d'extraits de l'article “Los 10 cambios fundamentales que trae el nuevo acuerdo”, La Semana, 12 nov. 2016. [En ligne] http://www.semana.com/nacion/articulo/cambios-fundamentales-del-acuerdo-de-paz-con-el-no/505313 Traduction : Alexandre Dubé-Belzile, pour le PASC.


 


 

Auteur.trice
PASC