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18/02/2008
Le 8 janvier 2008, 7 prisonniers politiques de la prison de haute sécurité de Palo Gordo, pénitencier de Giron, ont commencé une grève de la faim pour défendre leurs droits. Après 28 jours de grève, le 5 février 2008, 160 autres prisonniers politiques ont décidé de se joindre à la grève de la faim afin d'appuyer leurs 7 compagnons. Depuis 2 ans, les 7 prisonniers politiques (PP) en grève de la faim étaient classifiés par l'INPEC (Institut Pénitencier National Colombien) comme des prisonniers de moyenne sécurité. Depuis ce temps ils étaient en querelle administrative avec l'INPEC pour pouvoir être transférés dans une prison de moyenne sécurité. Cet enjeux est important parce qu'il y a plus de possibilités pour s'organiser à l'intérieur des murs en tant que PP dans une prison de sécurité moyenne que dans une prison de haute sécurité. D'ailleurs la majorité des PP ont été transférés dans la nouvelle prison de haute sécurité de Palo Gordo ces dernières années. De plus, la prison de Palo Gordo est située dans une région éloignée, ce qui rend difficile d'accès les visites pour les familles et les amiEs. Les 7 prisonniers politiques ont aussi des mesures de protection de la part de la Commission Interaméricaine de Droits Humains (CIDH) afin de prévenir d'éventuelles violations de droits humains à leur égard. Cependant, le directeur de la prison de Palo Gordo et l'administration générale de l'INPEC, ne se sont pas souciés de ces mesures de protection.Voilà pourquoi le 8 janvier, ces 7 prisonniers politiques ont entâmé une grève de la faim! Le 25 janvier, alors que leur état de santé s'était déjà passablement détérioré, ils ont décidé de radicaliser leur grève en refusant de prendre le sérum oral et ont déclaré que s'ils étaient transférés de manière temporaire aux cellules de l'aire de réception (celles utilisées pour les prionnniers qui arrivent et ceux qui s'en vont) ils allaient accepter de manger en attendant leur transfert de prison. Ils ont donné un ultimatum de 15 jours pour être transférés, sans quoi ils allaient recommencer leur grève de la faim et étaient prêts à aller jusqu'aux ultimes conséquences. Cet arrangement a été proposé parce que l'INPEC avait programmé une réunion au niveau national à propos de leur cas dans 10 jours (ce qui est énorme quand on est en grève de la faim depuis près d'un mois!) afin de les faire abandonner. Puis le 5 février, 160 autres PP de différents patios (“pavillons”) ont décidé de se joindre à la grève. Cette action de solidarité des autres prisonniers a été efficace puisque le jour même les 7 premiers grévistes ont été transférés à l'aire de réception et le lendemain ils étaient tous transférés à des prisons de sécurité moyenne! Cette bataille était gagnée !!! Mais le vent subversif ne s'est pas arrêté là... Plusieurs autres prisonniers d'un autre patio (“pavillon“) de la prison qui étaient dans la même situation administrative ont décidé aussi d'entâmer une grève de la faim le 5 février afin d'être transférés à des prisons de moyenne sécurité. Ce sont donc maintenant onze prisonniers du patio 8 et six prisonniers du patio 9 qui sont en grève de la faim, dont seulement trois d'entre eux sont des prisonniers politiques (les patios 9 et 8 ne sont pas composés exclusivement de PP). Les prisonniers politiques sont organisés dans le Patio 3 de la prison. Ils ont 3 collectifs, un de chaque groupe d'insurrection armé : FARC – Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia, ELN – Ejercito de Liberación Nacional et EPL – Ejercito Popular de Liberación. Évidemment il y a aussi plusieurs prisonniers politiques qui sont des civils ne faisant partie d'aucune de ces organisations et ayant été victimes de montages judiciaires de la part de l'État. Cependant, pour participer aux efforts d'organisation dans la prison, ils s'intègrent à un de ces collectifs de PP. Les prisonniers politiques organisent donc des Assemblées de patio et coordonnent le travail politique comme par exemple le journal des PP de Palo Gordo qui sort tous les deux mois. Les PP décident du contenu du journal et c'est le Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques (CSPP) de Bucaramanga qui l'édite et le distribue à l'extérieur de la prison. Les PP y publient des analyses politiques, critiques, poèmes, demandes et ils le distribuent aussi à l'intérieur de la prison. Par leur organisation et leur travail les PP gagnent plusieurs batailles concernant la vie de tous les jours dans la prison; une heure aditionnelle de visite, un espace de peinture, ne pas être fouillés si souvent, l'arrêt du traffic de drogue dans le Patio (ceci est un enjeu important parce que la vente de drogue dans un Patio se traduit souvent par la fin de l'organisation politique des prisonniers), l'arrêt de la violence et des vols, etc. Évidemment, il y a encore beaucoup à faire. Les PP de Palo Gordo n'ont accès qu'à 45 minutes d'eau par jour pour 140 prisonniers dans le patio. Très peu de personnes ont accès au travail ou aux études et il y a un millier de luttes quotidiennes à gagner… Les avocats du CSPP travaillent avec eux sur plusieurs enjeux et les aident à gagner certaines batailles juridiques, mais les PP demandent aussi notre support en écrivant des lettres et en faisant des appels afin de faire pression sur l'administration de la prison et sur l'INPEC afin de faire respecter leurs droits à l'intérieur des murs de l'injustice. De plus, nous pouvons leur apporter notre appui moral en écrivant des lettres de solidarité aux PP ce qui contribuent grandement à réduire l'isolement dans lequel ils se trouvent et à leur donner le courage de continuer à se battre! Derrière les murs, leur bataille consiste à faire connaître au monde entier l'existence des prisonniers politiques en Colombie, la vérité sur le “délit” politique et ce qu'implique être en prison pour s'être rebellé contre un État oppresseur, criminel et violent. Le Président Uribe a l'intention de faire disparaître le concept juridique de “délit politique” afin de ne plus devoir reconnaître le statut politique aux membres des groupes d'insurrection armés. De “rebelles”, les guérrilleros-as et les civils ayant participé dans des mouvements d'opposition politique et dans des processus de résistance passeraient alors à n'être que des “terroristes”, dans ce régime où la pensée unique moulée dans le projet de société paramilitaire et néoliberal est la seule permise! De plus, c'est l'existence même des groupes de solidarité avec les prisonniers politiques qui est menacée, puisque si le délit politique disparait, et que les prisonniers politiques deviennent des terroristes, alors les groupes comme le CSPP seront criminalisés et persécutés pour appuyer non plus des PP mais dorénavant des terroristes! Il y a donc une énorme lutte à mener à l'extérieur des murs, dans nos villes, dans nos milieux, dans nos pays, pour faire connaître à la population l'existence des PP et pour défendre publiquement la légitimité et l'importante du concept de “délit politique”, basé sur le droit des peuples à la rébellion contre tout État opresseur, injuste et répressif, droit d'ailleurs reconnu dans la Déclaration universelle des droits humains! Pour en savoir plus sur le conflit colombien ou si vous êtes intéresséEs à appuyer le travail de solidarité avec les PP en Colombie, contactez le PASC en visitant notre site web : www.pasc.ca
Auteur.trice
PASC