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22/06/2011

La Piedra, no. 8, été 2011

On peut couramment associer le titre de « profiteurs de guerre » à des particuliers privés qui bénéficient d’enjeux liées à des conditions de guerre physique. Dans un système où les populations civiles sont otages d’un modèle économique qui perpétue la pauvreté et les force subséquemment à signer des accords visant l’exploitation de leurs ressources et l’assurance de les céder sans contestation, nous nous inscrivons aussi dans un contexte de guerre. D'autre part, dans le langage commun, on peut aussi associer le qualificatif de « sale » à quelqu’un qui ne se ramasse pas et qui, dans des cas d’extrême malpropreté, étend ses obscénités chez ses voisins. Présents dans plus de 20 pays, totalisant 75% de la part du marcher minier mondial et étant à l’origine du tiers de ses conflits sociaux 1 , le Canada et ses entreprises minières sont un exemple probant de sales profiteurs de guerre. Les deux récits suivants font principalement état d’une guerre instrumentée à l’intérieur de nos propres frontières mais aussi, d’une guerre coloniale exportée et imposée partout en Amérique latine, comme au Guatemala ou en Colombie.


1.Qui ne se ramasse pas au Canada À titre de profiteuse de guerre, une compagnie minière canadienne s’est particulièrement démarquée entre 2009 et 2011 sur le plan local et international : Goldcorp. Cette entreprise, qui tient son siège social à Vancouver, a tout récemment signé par l’entremise d’une filiale nommée « Les Mines Opinaca », une convention avec la nation Crie de Wemindji, tout près de la Baie-James, visant l’extraction de l’or de leur territoire par l’instauration du projet aurifère « Éléonore ». En bref, la signature de ce contrat permettra la construction d’une mine qui sera terminé en 2015 et qui étendra son exploitation sur une durée minimale de 15 ans. Alors qu’il peut s'agir d'un investissement dangereux de 1,4 milliard de dollars pour Goldcorp, les ressources de la mine estimées à 9,4 millions d’onces d’or revendus 1400$ l’once2 . Quant au BAPE, limité dans son rôle fantoche à influencer la classe politique, mais tout de même minimalement utile à l’évaluation des impacts d’un projet d’une telle ampleur, il ne fut pas partie de l’entente. Éléonore, l’enfant prématurée du Plan Nord La convention signée par les Cries en début d’année pour le projet Éléonore initie les premiers balbutiements du plan abyssal tant chéri par le Premier Ministre Charest (Plan Nord), s'inscrivant magnifiquement dans les visées de celui-ci malgré son absence du texte officiel du gouvernement du Québec. Comment s'articule donc ce plan? Bien qu'officiellement 19 milliards de dollars y soient investit dans le but « d’accroître le potentiel énergétique du Québec » tout en « revalorisant la grande région du Nord du Québec », la majorité de la stratégie du Plan Nord est en fait orientée vers l’exploration et l’exploitation de gisements miniers dans cette grande région [ [http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/dossiers/elections-quebecoises/200811/14/01-800811-plan-nord-de-charest-19g-de-plus-entre-2015-et-2035.php ]].


2.Étendre ses obscénité chez ses voisins Située sur la frontière de 2 municipalités dans le département de San Marcos au Guatemala, la mine Marlin est détenue par Montana Exploradora, une des nombreuses subdivisions de Goldcorp. Cette mine à ciel ouvert s'est attirée la controverse suite à une fausse suspension orchestrée par le gouvernement guatémaltèque qui, bien qu'ayant convenu à la suspension de l'exploitation minière après les ordonnances en ce sens de la CIDH le 23 juin 2010 (Commission interaméricaine de droits humains), s'est abstenu de prendre les mesures nécessaires à cette fin. Aujourd’hui, la CIDH n’a toujours pas délibérée sur la culpabilité du géant minier (considérant les plaintes formulées suffisantes pour demander une suspension), mais les accusations à l’origine du mouvement de contestation qui perdure depuis déjà 3 ans n'en continuent pas moins de toucher un éventail d’enjeux vitaux, allant du manque de transparence dans la consultation des populations concernées jusqu’à la contamination des eaux environnantes ayant eu des répercussions sur l’écosystème et la santé des résident-es. Le 28 février dernier, plus de 8 mois après l’appui du gouvernement, les conditions reliées à la suspension temporaire des activités minières de la mine Marlin demandées par la CIDH n’étaient toujours pas respectées. Cette situation poussa les résidents, soutenus par des groupes communautaires, à entreprendre une manifestation pacifique sur le site [ [http://cnca-rcrce.ca/fr/guatemala-des-militants-protestant-contre-une-mine-battus-et-menaces/ ]]. À leur retour de la marche, les manifestants furent brutalement attaqués et détenus par des supporters et du personnel de la mine Marlin, qui leurs demandèrent de les payer afin de les laisser partir. De plus, divers cas d’agressions et d’arrestations arbitraires commises par les forces de l’ordre le même jour furent répertoriées. Au lendemain des violences, Goldcorp tenta de se laver les mains en niant toute implication avec les faits. Malgré ces excuses, la réalité est tout autre : ce fractionnement populaire est bien plus que le fruit d’une simple instabilité économique dans un pays « tiers-mondiste » :la présence de Goldcorp au Guatemala est fondamentalement liée à l’existence d’une répartition inégale du pouvoir et des richesses entre Hémisphères Nord et Sud, qui utilise ce type de stratégie de division afin de s'implanter et se maintenir. Sa volonté de s’accaparer et profiter des ressources communes par la mise en place de plans agressifs de développement minier contribue au bris du tissu social des populations ciblées et a pour résultat final d’amplifier leur pauvreté; en somme, il s'agit d'un cercle vicieux essentiel au bon fonctionnement d’un modèle économique qui repose sur le pillage des ressources par de sales profiteurs de guerre. Cette division, issue de la présence de la compagnie, entre employé-es et sans-emplois, entre pro-Marlin et anti-Marlin ou encore entre simples résident-es de San Marcos, est une déclaration de guerre coloniale envers les citoyen-nes du Guatemala par Goldcorp. Goldcorp et la Colombie En plus d’avoir des assises au Canada et au Guatemala, Goldcorp multiplie ses opérations destructrices aux États-Unis, au Mexique, au Honduras, en Argentine, au Chili et en République Dominicaine. Cupide comme l’ensemble de ses congénères et encore au stade de la prédigestion de ses derniers contrats, la compagnie aurait la Colombie dans son champ de mire. En effet, le 23 mars dernier, le PDG a affirmé que Goldcorp « [considérait] actuellement en Colombie des opportunités de projets en phase initiale, comme dans plusieurs autres pays. » Il a aussi mentionné au sujet de l'acquisition de compagnies colombiennes , « [que l'entreprise gardait] toujours les yeux ouvert pour une opportunité qui pourrait mettre en valeur son profil. » 3 Plutôt, disons le franchement, « re-mettre » en valeur, car leur réputation est déjà avilie et la Colombie n’en est pas à sa première expérience avec de sales profiteurs de guerre canadiens; que Goldcorp prévoit de la résistance!

Notes

  1. [http://argent.canoe.ca/lca/affaires/canada/archives/2010/10/20101020-05…; http://argent.canoe.ca/lca/affaires/canada/archives/2010/10/20101020-05…]
  2. [http://www.rightsaction.org/articles/Gold_&_impunity_costs_021211.html-…; http://www.rightsaction.org/articles/Gold_&_impunity_costs_021211.html] ]] , font réellement miroiter la possibilité de profits colossal pour la compagnie [[ [http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/opinions/chroniques/michel-girar…; http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/opinions/chroniques/michel-girar…] ]]. D’ici 2015, on promet à la région la création de plus de 600 emplois pour la période d’exploitation, mais on parle moins de la pérennité économique à la fin de ce contrat et des conséquences qu’il aura pendant et après son exécution sur l’environnement. L’extraction de l’or par la compagnie n’exclue pas l’utilisation de cyanure et aucune étude indépendante à Goldcorp sur l’impact environnemental à long terme n’a été entreprise. De plus on dénonçait en février 2011 dans un rapport du commissaire au développement durable blâmant sévèrement le gouvernement, l’incapacité de ses Ministères à encadrer l’industrie [[ [http://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2010-2011-…; http://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2010-2011-…]
  3. Traduction par l'auteur [http://www.reuters.com/article/2011/03/23/mining-summit-goldcorp-colomb…; http://www.reuters.com/article/2011/03/23/mining-summit-goldcorp-colomb…]
Auteur.trice
PASC