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14/11/2018

Les 4, 5 et 6 novembre dernier, Maria Miyela Riascos Riascos, porte-parole du comité de grève civile de Buenaventura et Olga Araujo, défenseure des droits humains et éducatrice populaire de l'Association pour la recherche et l'action sociale (Nomadesc), étaient à Montréal, lors de leur tournée au soi-disant Canada pour parler de la grève qui s'est tenue à Buenaventura en 2017.

Le 16 mai 2017, jour 0, une grève sociale est initiée à Buenaventura, principale ville portuaire du Pacifique en Colombie. Composée d'une majorité de personnes afro-colombiennes (80 %) et de personnes autochtones, une grande partie de sa population a été victimes des différentes vagues de déplacements forcés en Colombie, contrainte de quitter leurs territoires sous la pression de la violence du conflit armé. Si c'est par cette ville portuaire que près de 70% du PIB colombien entre et sort, la population, elle reste dans une précarité flagrante. Le taux de pauvreté atteint 90 % de sa population. Une partie de celle-ci n'a pas accès à de l'eau courante, alors qu'il s'agit d'une des régions les plus pluvieuse du pays, l'électricité n'est disponible que quelques heures par jours, sans compter les conditions déplorables en termes d'accès aux soins de santé et à l'éducation. Face aux injustices, Buenaventura a connu une longue histoire de mobilisations, son passé compte 2 grèves civiles, des forums thématiques, des manifestations, ainsi que plusieurs rassemblements afin de dénoncer ces injustices. L'éducation populaire a été importante tout au long de ce parcours afin de favoriser la prise de conscience. C'est comme quand un malade n'a pas conscience d'être malade, explique Maria. Ainsi, suite au plan de travail, l'arrêt, la reprise d'une grève civile est décidée. À ce moment, personne ne connaît encore le moment exacte mais l'intention est ferme.

'' Notre espace de vie est devenu espace de combat '', Maria

La grève éclos finalement en mai. Chaque jours, elle prend de l’expansion, 11 points de rencontres sont mis en place, collectivement des services de cantines, des radios clandestines sont organisées. Un comité inter-organisationnel est en charge de négocier avec le gouvernement, toutefois les décisions et orientations sont prises autour de 8 tables de réflexion sur des enjeux spécifiques, comme par exemple la santé, l'éducation, la culture, les services publics, qui sont ouverts à la participation de tous et toutes. Plus d'une centaine de milliers de personnes (plus de 200 000) sont rassemblées dans les rues provenant de différents secteurs : des femmes, étudiant-es, travailleur-euses, syndicats, afro-colombien-nes, autochtones, communautaire, religieux. Les routes d'accès sont bloquées et le port aura été fermé pendant trois semaines afin de contraindre le gouvernement national à négocier des solutions à la crise actuelle des droits humains et sociaux.  À cette mobilisation, le gouvernement a d'abord répondu par une répression violente, blessant par balle plus d'une trentaine de personnes. C'est une des grèves sociales les plus importantes de Colombie, elle représente un exemple de convergence.

''Il est nécessaire de sortir des rivalités et de trouver les points communs pour trouver de la force'', Maria
 
C'est après 22 jours de grève sociale que le Comité inter-organisationnel de la grève de Buenaventura et le gouvernement sont arrivés à un accord. Aujourd'hui, quelques sous ont été saupoudrés pour des initiatives publiques et sociales, mais les accords n'avancent pas aussi rapidement que souhaité. Les groupes paramilitaires continuent de s'en prendre au comité inter-organisationnel de la grève en les menaçant de mort, menaces qui se concrétiseront le 27 janvier 2018. En effet, à cette date, on retrouve assassiné dans un des quartiers de l'Île de la paix (Isla de la Paz) de Buenaventura, le leader Temístocles Machado, défenseur des droits de l'homme, membre du Processus des Communautés Noires (Proceso de Comunidades Negras - PCN).  Emblématique pour le dévouement qu'il avait envers sa communauté, pour la défense du territoire et pour le rôle visible qu'il a tenu au sein du comité inter-organisationnel de la grève, l'assassinat de Temístocles est vu comme un violent message de dépossession, de poursuite d'intimidations et de menaces à l'encontre du peuple du Pacifique qui continue sa lutte malgré tout. Des assemblées générales se tiennent tous les mois et 257 organisations continuent de se mobiliser afin de s'organiser pour l'amélioration des conditions d'existence et exiger le respect de leur dignité. Les 2 femmes ont rappelé l'importance de l'appui international décrit comme l'effet papillon. Il permet de briser la solitude, créer des liens et de donne de la force, sachant que si le mouvement est touché, il y aura des conséquences, un écho ébranlant l'image de propreté que le gouvernement essaie de se donner.  

''On ne va pas attendre, se mettre au lit et se laisser piquer par les maringuoins'', Maria

Pour en lire d'avantage sur le cas de Temístocles Machado:
http://pacifista.co/la-esperanza-que-dejo-temistcoles-no-la-vamos-a-dejar-morir/
 

Auteur.trice
PASC