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30/05/2007

Développement économique ou imposition d’un modèle globalisant ?

Article de Francisco Ramirez Cuellar*

Dans les années 1990, la Banque multilatérale, les gouvernements des Etats-Unis et leurs alliés décidèrent que la Colombie devait « développer » son économie dans deux secteurs prioritaires pour eux : l’industrie minière et l’énergie . Comme toujours, ils ne consultèrent pas les Colombiens et Colombiennes qui sont censé-e-s être les propriétaires des ressources naturelles qu’ils ont commencé à piller et, le plus grave, ils appliquent des méthodes de pillage millénaires : l’imposition impérialiste de la régulation commerciale entre les multinationales et les nations, la création de législations favorables à l’«investissement étranger», corruption, génocides, massacres, déplacements forcés, tortures,etc. La Banque mondiale et le FMI – Fond monétaire international – ont conditionné toute l’«aide» à la Colombie à la liquidation et/ou la privatisation des plus importantes entreprises étatiques, comme Ecopetrol, Minercol, Carbocol et Telecom, leur livraison à des monopoles étrangers, de même que de donner en concession les principales voies du pays. De plus, une autre condition est le changement de la législature interne qui garantit les droits des communautés indigènes, afrodescendantes et de la force ouvrière, victime d’un génocide qui a déjà coûté plus de 4000 vies dans les dernières vingt ans. Ces mesures restreignent par exemple l’application de la convention 169 de l’OIT – Organisation internationale du travail – sur la consultation des communautés, restreint et limite le cadre légal développé par les accords, pactes et conventions de l’OIT qui garantissent les droits d’association syndicale, de liberté syndicale, de réunion et de grève. Même à travers le CIF, la Banque Mondiale investit directement dans des projets miniers comme le Cerrejón Zona Norte et des exploitations pétrolières dans le Putumayo, avec le Consortium Colombia Energy, une entreprise des États-Unis et du Canada. Un rôle important dans cette stratégie de pillage est ladite « aide militaire » du Plan Colombie, dirigée dans les zones où opère Harken Energy avec du capital actionnaire de la famille Bush, la Occidental Petroleum Company avec du capital actionnaire d’Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis sous l’administration de qui fut approuvé le Plan Colombie. L’autre plan « antinarcotiques », le Plan Patriote, est dirigé dans les régions où opère la même Harken Energy, la B.P. qui opère un oléoduc avec Ocensa du Canada, la Talisman qui a un triste passé au Soudan, et Petrobras sur qui pèsent des accusations de paiements à des acteurs armés du conflit armé colombien. L’aide militaire de Grande-Bretagne arrive également dans des zones où opèrent des compagnies comme B.P., Anglogold Ashanti, Angloamerican, B.H.P. Billiton, etc. L’aide israélienne consiste à donner de la « sécurité » à des compagnies du secteur minier et énergétique, cette nation reçoit en moyenne 3,8 tonnes de charbon colombien annuellement , en provenance de zones où opèrent des groupes paramilitaires signalés comme recevant des armes et de l’entraînement d’Israël. L’adéquation légale du pillage court pour le compte de l’agence gouvernementale canadienne de développement internationale – ACDI, à travers de CERI, une organisation de multinationales qui, appuyée par des avocats des entreprises CONQUISTADOR MINES, ANGLOGOLD, CEMEX, HOLCIM, Ladrillera Santafé et d’autres du secteur pétrolier, ont élaboré la législation minière, pétrolière, de l’environnement et de l’investissement étranger entre autres, obtenant des réductions fiscales énormes, aucun contrôle environnemental pour leurs opérations, des contrats à perpétuité, la privatisation du service minier étatique, la destruction des syndicats, l’ignorance des droits des peuples ancestraux, des diminutions d’impôts de privilèges, l’ignorance de la souveraineté nationale sur les ressources naturelles, la « stabilité juridique » pour leurs investissements, violant la constitution politique et la loi. Finalement, cette imposition du modèle globalisant viole gravement les droits humains de la population civile, car toute la politique de « sécurité démocratique » d’Uribe Velez et les autres plans de sécurité de l’État s’appliquent dans des zones où se développent et vont se développer des projets miniers et énergétiques. Ce qui donne comme résultat que sur chaque 100 personnes déplacées de force dans le pays, 87 sont expulsés des municipalités minéro-énergétiques, qui ne sont pourtant que 34% du total national, 82% des assassinats de syndicalistes ont lieu également là, 89% des morts d’autochtones et 90% des assassinats d’afrodescendants ; en résumé 88% des violations de droits humains ont lieu dans un tiers du territoire national où opèrent ou vont opérer des entreprises multinationales. Les résultats de l’imposition d’un modèle économique ne sont pas seulement visibles sur le plan des droits humains, mais également au niveau économique : la Colombie a perdu dans les dernières 27 années dans trois projets miniers d’envergure la somme de 13.5 milliards$US, la pauvreté touche 64% de la population, l’indigence 7 millions de personnes, 85% des jeunes n’ont pas accès à l’éducation supérieure, il y a plus de 4 millions de sans-emploi et une énorme crise hospitalière qui a intensifié les cas de malnutrition et de mort par manque de soins médicaux des enfants de moins de 5 ans et des personnes âgées. Pour eux, la réponse de nos organisations sociales n’est pas seulement la dénonciation et la protestation, sinon les demandes légales contre les compagnies comme Drummond et la Occidental Petroleum Company aux États-Unis, la possibilité de ces mêmes actions contre d’autres entreprises minières et pétrolières pour des faits similaires, les boycott de produits, et récemment une campagne pour conditionner l’importation des minéraux et du pétrole au respect des droits humains et du travail, qui a résulté en ce que le gouvernement du Danemark n’a pas prolongé les contrats d’achat de charbon à Drummond jusqu’à ce qu’il y ait un jugement qui décharge cette entreprise de la responsabilité pour l’assassinat de trois dirigeants du syndicat Sintramienergetica.


* Francisco Ramirez Cuellar est président de Sintraminercol, Secrétaire général de FUNTRAENERGETICA, membre de l’équipe nationale de droits humains de la C.U.T., avocat spécialisé en droit du travail.
Auteur.trice
Francisco Ramirez Cuellar