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12/11/2018

Suite à un processus communautaire prolongé et participatif, les personnes habitant la municipalité de San Lorenzo se prononceront le 25 novembre prochain à savoir si oui ou non, ils appuient l’exploitation minière sur leur territoire. La consultation aura lieu malgré la décision prise il y a quelques jours par la Cour constitutionnelle à propos de ce type de consultation et malgré que le ministère des Finances et l’organe électoral aient tenté de bloquer cette initiative collective, expression constituante primaire.

San Lorenzo est une municipalité qui compte une immense richesse environnementale. Elle se situe au nord de Nariño, où naissent de nombreux ruisseaux et sources qui alimentent les rivières Mayo y Juanambú. L’eau qui jaillit des montagnes fournit non seulement les aqueducs et les districts d’arrosage de San Lorenzo, mais abreuve aussi les municipalités voisines d’Unión, de Taminango, d’Arboleda et de Cartago. Historiquement, la municipalité a toujours eu une vocation agricole. On y produit du café de qualité supérieure, des fruits, divers aliments et on y pratique de l’élevage à petite échelle.

En 2008, on a donné des titres miniers à de grandes multinationales sans consulter les communautés. Puis en 2010, la multinationale Mazamorras Gold a débuté l’exploration dans les corregimientos (subdivisions départementales) de San Rafael et Santa Marta, qui se trouvent dans la municipalité de San Lorenzo, ainsi que dans les veredas (subdivisions municipales) d’Olaya et d’El Volador dans la municipalité d’Arboleda. Rapidement, les paysans de la zone ont perçu les répercussions environnementales, sociales et de violence occasionnées par l’exploitation minière. Les communautés alarmées par ces saccages, qui s’enchainaient les uns après les autres, ont décidé d’agir afin de libérer le territoire et d’expulser cette multinationale. Ce fut le début d’une lutte constante pour la protection de l’eau et du territoire, qui depuis, n’a cessé d’éveiller les consciences dans les autres corregimientos. Cette lutte a été rendue possible grâce au travail acharné d’organisations paysannes locales. Malgré qu’on ait respecté la décision des communautés, les conflits avec les multinationales ont continué, générant des épisodes de violence.

Les organisations paysannes ont commencé à chercher des alternatives pour affronter la menace imminente de l’exploitation minière à grande échelle et elles sont même sorties de la municipalité. Elles ont fait des actions comme la « Construction du Territoire Paysan Agroalimentaire du Macizo Norte de Nariño et du sud du Cauca (Territorio Campesino Agroalimentation del Macizo Colombiano en espagnol) –Tcam », qui est une stratégie de protection du territoire et un exercice des droits paysans. Elles ont entre autres réalisé des forums miniers locaux, régionaux et départementaux. C’est justement dans le Forum « Eau et exploitation minière », ayant eu lieu le 2 juillet 2017 à Berruecos (Nariño) qu’il a été décidé de devancer les processus de consultation populaire pour endosser la volonté des communautés et de leurs institutions locales de protéger le territoire, ses ressources naturelles et sa vocation agricole et caféière dans ces municipalités.

Dans cinq municipalités du Tcam, le processus de consultation populaire minière s’est enclenché immédiatement. Grâce à l’appui de la mairie, la communauté et les organisations paysannes ont réussi a poussé le Conseil municipal a donné la notion de convenance et que le tribunal contentieux administratif de Nariño émettent un concept de constitutionnalité. Mais le ministère des Finances, le Registre national et dernièrement, la Cour constitutionnelle, ont érigé des obstacles à la réalisation de la consultation. Parmi ces obstacles, on a d’abord brandi le manque de financement et un conflit de juridictions entre l’État national et les entités territoriales. Il y a ensuite eu la décision de la Cour Constitutionnelle, cette dernière ayant statué que les communautés ne peuvent pas prendre de décision par rapport à l’utilisation du sous-sol à travers les mécanismes de participation, comme les consultations populaires. Finalement, bafouant clairement le droit fondamental à la participation et à la vie, le Conseil National Électoral a choisi de respecter la décision de la Cour et a ordonné la suspension de tous les processus de consultation destinés à mettre un frein aux méga projets miniers jusqu’à ce que le pouvoir législatif se prononce sur le sujet. 

Selon l’Agence nationale des mines, il n’y a actuellement aucun titre d’exploration valide, puisque en 2017 et en septembre 2018, les multinationales qui détenaient des titres y ont renoncé. Dans les données publiées par l’Agence, il apparait cependant 20 demandes d’exploration et d’exploitation minière à grande échelle. C’est pourquoi la communauté reste sur ses gardes et se voit obligée de faire des actions pour protéger le legs qui sera donné aux générations futures.

De manière légitime et comptant sur l’appui de l’institution locale du « Comité pour la protection de l’eau, de la vie et du territoire », une entité faisant la promotion de la consultation, les organisations sociales et communautaires ont décidé de continuer le processus démocratique de la consultation minière. Elles l’ont donc convoquée le 25 novembre 2018, afin que jeunes et vieux y participent activement et prennent une décision mesurant leur volonté face à l’implantation de méga projets miniers dans la municipalité de San Lorenzo.

La question approuvée par le Conseil Municipal et le Tribunal Contentieux Administratif de Nariño et qui sera soumise à la communauté de San Lorenzo sera :

« Êtes-vous d’accord, OUI ou NON à ce que dans la municipalité de San Lorenzo (Nariño), soit réalisée de l’exploration et de l’exploitation minière de métaux et d’hydrocarbures ? »

Le processus de la consultation légitime, qui suit ce qui est stipulé par le Code électoral de Colombie, se poursuit et avance d’un pas ferme, mené principalement par la jeunesse ainsi que par des leaders communautaires qui travaillent ensemble et sans relâche sur chaque route, allant de portes en portes promouvoir la protection de l’eau et de la vie.

La réalisation et l’exercice de cette pratique démocratique est un fait et ce sera les habitants de San Lorenzo qui se chargeront de faire respecter le mandat émanant de la consultation. En plus, des organismes internationaux, des universités ainsi que des institutions régionales et nationales ont exprimé leur appui et seront garants de la transparence de cette action qui sera réalisée au mois de novembre. Finalement, il faut souligner que le financement et la logistique, autant du vote lui-même que du processus de campagne a été assumé par les communautés faisant partie du comité.

*Porte-parole du Comité pour la protection de l’eau, de la vie et du territoire.

Information supplémentaire


Auteur : CAMILO DELGADO CÓRDOBA*
Édition: 251
Section : Environnement
Date : Du 20 octobre au 20 novembre 2018

Auteur.trice
Desde Abajo - Écrit par CAMILO DELGADO CÓRDOBA*