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13/03/2017

28 février 2017

1- Prélude désespéré face au négationnisme

L’accaparement par des « groupes en marge de la Loi » des zones qui étaient jadis occupées par les FARC-EP n’est pas seulement l’œuvre d’organisations insurgées, mais également de regroupements qu’on nomme, avec raison, les Aigles noirs, et qui sont directement impliqués dans le narcotrafic, occultant plus ou moins leurs origines paramilitaires.

Nier ces faits aura des répercussions sur les communautés, les autochtones et les paysans qui devront affronter la militarisation de leur territoire, que ce soit aux mains des forces de l’État ou des paramilitaires, répétant la même histoire de terreur et d’angoisse qui a causé auparavant les migrations forcées, les disparitions, les exécutions sommaires et d’autres crimes contre l’humanité.

Le discours présent qui parle du paramilitarisme comme l’« enfant légitime » du terrorisme d’État ne cesse d’inquiéter. On craint qu’après les accords de La Havane, l’élite fasse preuve d’encore plus de violence dans les communautés. Cette situation offre un nouvel aperçu sur la différence abyssale entre la paix que veut obtenir le pouvoir et la paix que réclament les exclus dans ce pays.

Nous observons clairement une doctrine militaire mise en œuvre sous le couvert de l’euphémisme de la présence institutionnelle de l’État. De plus, cet État n’arrive pas à garantir les droits des habitants de ces territoires qu’il semble pourtant reconnaître formellement. Pourtant, il occupe militairement ces territoires afin de garantir la sécurité des multinationales pour la mise en œuvre de grands projets.

La situation de ces communautés a été documentée par des mouvements sociaux et organisations de défense de droits de la personne, et ce, lors de la récente Mission de vérification de Catatumbo, de laquelle faisait partie de l’équipe juridique Pueblos. Il nous avait déjà été possible d’en avoir une idée grâce d’autres sources d’information, aux dénonciations de ceux qui vivent aujourd’hui une terreur constante en raison de l’avancée violente des institutions et des para-institutions sur leur territoire. Comme d’habitude, on reste insensibles aux voix désespérées et angoissées de celles et ceux qui se trouvent au bord d’une autre catastrophe sociale.

2- Chronique d’une histoire qui se répète

Le 9 février 2017, dans la commune de Las Timbas, située dans la municipalité de Tibú, sur la route entre La Gabarra et Cooperativa, de nombreux paysans ont remarqué la présence de deux hommes qui portaient des armes à feu de longue portée, des pantalons camouflage, des bottes militaires, et des chemises noires. L’un deux portait également une ceinture avec une boucle qui portait l’inscription « contre-guerrilla ». Après avoir avisé le reste de la communauté, les paysans ont décidé d’aller à la rencontré de ces hommes, qui se trouvaient alors au nombre de trois, afin de connaître leur identité. Ces derniers se sont identifiés comme des membres des Aigles noires.

Le vendredi 10 février, vers 6h du matin, un paysan de la commune Caño Ramón de la municipalité de Teorama a été intercepté par des hommes armés qui se sont identifiés comme des membres des Aigles noires. Ils paraissaient jeunes et portaient des manteaux noirs, des bottes militaires, des tee-shirts verts et des armes de courte portée. Ces hommes ont d’abord contraint l’homme à leur donner de l’eau. Ils lui ont ensuite montré une carte, affirmant qu’ils se rendaient à La Nevera et Cooperativa pour prendre contrôle de la région. Ils ont également affirmé que ceux qui ne coopéreraient pas avec eux devraient quitter la région ou mourir. Enfin, ils ont mentionné le nom d’un paysan qui serait assassiné s’ils lui mettaient la main au collet.

Cette présence paramilitaire récemment observée survient en pleine militarisation excessive de la région, tout juste après le déplacement massif des combattants des FARC-EP vers la région de Caño Indio. Le lundi 13 février 2017, plus de 200 soldats se sont installés dans une propriété de la commune Caño Tomás de la municipalité de Teorema. Cela est tout à fait cohérent avec l’annonce du ministre de la Défense Luis Carlos Villegas, autour de l’augmentation du nombre de membres des forces de l’État de 8500 hommes et de 200 policiers afin de renforcer la présence militaire dans cette région frontalière de la Colombie.

Depuis ces évènements, des familles se sont vues contraintes de migrer, terrorisées par les opérations menées par les militaires et les paramilitaires. Initialement, les familles des communes de Las Timbas, de Caño Mariela, de Bellavista et Caño Tomás se sont déplacées vers Cooperativa, qui se trouve sous la juridiction de Convención. Le samedi 11 février, les habitants des communes Pista, Santa Isabel, La Paz et Brisas, de la partie inférieure des régions de Tibú, Teorama et Convención ont également subi un déplacement forcé. En ce moment, un ensemble de familles se trouvent réfugiées dans le secteur d’Estanquillo du Conseil de communes Simón Bolívar, qui se trouve sur le territoire de la République bolivarienne du Venezuela. D’autres familles contraintes de migrer se sont réfugiées à Cooperativa et Caney.

Les communautés ont exprimé leur préoccupation en ce qui concerne la présence militaire et paramilitaire. Après tout, elles ont, dans les années antérieures, souffert des actions systématiques des forces paramilitaires, exécutées avec la complicité des forces armées de l’État : massacres, tortures, disparitions et migrations forcées dans la région de La Gabarra et également dans toute la région du Catatumbo.

Les communautés paysannes pensent qu’ils n’existent aucune des garanties nécessaires pour assurer la protection de leurs vies et de leur intégrité personnelle. On ne peut remédier au fait que les communautés avaient été abandonnées par l’État hier en augmentant aujourd’hui la présence militaire dans la région. Il faut plutôt respecter l’autonomie des communautés paysannes et autochtones qui y habitent.

Auteur.trice
Derechos de los pueblos - EQUIPO JURÍDICO PUEBLOS