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15/11/2006

Femmes et féminismes dans les communautés en résistance civile

Au départ une structure familiale traditionnelle

Partout dans le monde la structure familiale est marquée par la division sexuelle du travail. Dans une communauté paysanne, cette réalité est la base des rapports économiques et sociaux, mais aussi des rapports familiaux. Il y a le père, voix et pourvoyeur (celui qui parle et amène l'argent, la nourriture) de l'unité familiale, la mère qui élève les enfants et veille à l'entretien physique des membres de l'unité familiale (repas, hygiène, reproduction, élevage, etc…) Les femmes commencent leur journée dès 4h du matin en préparant la nourriture du déjeuner pour leurs enfants et de la journée pour leurs maris. Celui-ci partira entre 5 et 6h au champ, tandis qu'elle lavera, pilera le riz, organisera la maison, allaitant entre un et trois enfants et coordonnant les autres. Après 15h30, les hommes le plus souvent jouent aux cartes ou aux dominos. La journée des femmes, elle, semble ne jamais finir. Les hommes partent parfois plusieurs jours ou semaines, vendre et acheter quelques denrées, couper du bois. Les enfants très jeunes (entre 5 et 7 ans) ont un rôle productif dans la cellule familiale, les tâches sont déjà bien divisées. Bien que cela face l'objet de critique, les filles " prennent mari " très jeunes et les enfants viennent vite avec. Il y a donc des jeunes filles de 16 ans qui attendent leur deuxième enfant, des jeunes filles de 23 ans avec déjà 3 enfants. La contraception utilisée le plus souvent ce sont les vieilles superstitions (enterrer un clou dans le jardin …) L'importance de la religion, christianisme avec une forte présence du mouvement évangéliste, prône la reproduction comme rôle central de l'union entre les hommes et les femmes, ce qui s'oppose aux méthodes de contrôle des naissances. Dans les communautés afro et métisses, polygamie, mariage religieux et adultère font bon ménage. La polygamie est cependant plus " normal " dans les communautés afro. Il n'est pas rare de rencontrer un homme ayant eu cinq femmes, plus de 20 enfants, avec une maison par femme, 5 maison du village représentant sa famille; des oncles et tantes avec des nièces et neveux de 20 ans leurs aînés. Cette réalité est symbole de prestige aux yeux du reste de la communauté.

La rupture du modèle

Cette joyeuse routine s'est vue perturbée dans les dernières années avec les déplacements forcés, l'horreur, les massacres, puis le retour, l'espoir en une vie meilleure malgré la terreur. Des femmes sont devenues veuves, la pauvreté a accablé toute la population et la solidarité est devenue une nécessité vitale. Ainsi, des paysan-ne-s ont décidé de s'organiser en Zones Humanitaire afin de se protéger et de lutter. Dans certaines Zones Humanitaires, le midi, les femmes ont décidée d'être deux, tour à tour, afin de préparer le dîner pour tous les enfants du primaire. Dans toutes les communautés en résistance civile, des comités de femmes furent créés. Dans les assemblées, hommes et femmes peuvent prendre la même place politique cependant les hommes monopolisent souvent la parole et le processus de décision de même que les postes au conseil; cependant, les femmes sont de plus en plus nombreuses, beaucoup de veuves avec des fils matures, ce qui leur assure une certaine autonomie, de plus les hommes sont les premiers ciblés par les menaces, la judiciarisation. Les hommes sont de moins en moins en mesure de sortir librement et de représenter la communauté, ils n'ont plus d'autres choix que d'accepter que les femmes le fassent. Si les femmes représentent la communauté à l'extérieur, il devient nécessaire de former les femmes à cette tâche en leur laissant plus de place dans les structures internes de la communauté. De même lors des incursions, les femmes deviennent souvent les premières intervenantes, celles-ci étant moins systématiquement ciblées. Plus le processus de la communauté est fort, plus les femmes y ont pris de la place et plus les hommes reconnaissent collectivement la nécessité de changer quelque peu les rôles traditionnels. Dans les communautés organisées depuis le plus longtemps les jeunes hommes lavent même leur linge, tandis que d'autres trouvent toujours une voisine pour le faire. De jeunes couples sans enfants partent travailler aux champs ensemble. Les femmes s'organisent entre elles pour faire des moyens de pressions.

L'exemple du Curvarado

Dans la nouvelle Zone Humanitaire du Curvarado, les femmes ont été les premières à s'organiser autour d'un comité. Celles-ci ont créé un espace non-mixte d'échange afin de mettre en commun leurs réalités, s'informer sur différentes thématiques les préoccupant et élaborer plusieurs projets propres. Dès les premières réunions, les thèmes de la contraception, face aux témoignages d'une fatigue d'avoir des enfants à répétition, de la curiosité devant la sexualité et de la violence furent lancés et discutés. L'intérêt d'apprendre à s'exprimer en grande réunion en affrontant le malaise présent afin d'avoir un poids politique au sein de la communauté a aussi été manifesté. Certaines frustrations face à la division sexuelle du travail traditionnelles ont été soulevées, affirmant qu'elles prenaient plaisir à manoeuvrer la machette, ce qui leurs permettaient un défoulement, qu'elles n'étaient pas seulement bonnes à la cuisine... La mise sur pied des différents projets et la relation de confiance construite entre les femmes du comité fût un tremplin vers le chemin en continuel construction de l'empowerment, un processus visant à développer ses propres moyens afin de permettre à toute personne de contribuer activement à l'organisation de sa propre vie et de sa communauté sur les plans économique, social et politique. Ainsi, lors d'une réunion de toute la communauté elles en sont arrivées à exprimer leur intention de cultiver, proposant que les hommes assument pendant une journée, la préparation des repas. La friction et le mécontentement, de longues discussions, remises en question, mais une entente. Un matin, les femmes ont pris la route vers le champ le sourire aux lèvres, la machette à la main, alors que les hommes avaient la charge des enfants et de la cuisine. Ce bouleversement, bien que momentané, a ouvert une porte aux transformations sociales des relations entre les hommes et les femmes au sein de la communauté. Le travail du comité continue, l'épanouissement collectif et individuel est la visée. Lutte pour la vie, le territoire, la réparation, mais aussi pour un monde nouveau, les femmes se sont organisées afin que leurs voix soient écoutées, pas à pas l'espoir est cultivé.

Vous avez dit Libre choix ?
L'avortement en colombie :

Aprés des années de luttes la dépénalisation partielle de l'avortement a été décidée par la Court Constitutionnelle, permettant les avortements lorsque la vie et la santé de la femme sont en danger, lorsqu'elle a été victime d'une violation et lorsque le foetus a une malformation qui l'empêchera de vivre. La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 122 du Code pénal, qui condamnait de un à trois ans de prison pour avortement, répond à la demande de l'avocate Monica Roa. Cette décision a été une victoire amère pour les droits des femmes dans un pays où approximativement 400 000 avortements clandestins se pratiquent chaque année. Les conséquences de ces pratiques clandestines sur la santé des femmes ont fait de l'avortement la troisième cause de mortalité pour les femmes colombiennes. Sous les ordres de plusieurs hommes (medecins, etc.) quelques femmes pourront maintenant sauver leur vie sans risquer de finir en prison à defaut de réelement reprendre contrôle de leur corps et de leur sexualité. En vigueur dès le 11 mai 2006, la décision doit être réglementée par le Congrès dans le contexte des menaces d'excommunion que l'Église a prononcées à l'encontre des magistrats de la Cour constitutionnelle qui ont voté la décision. Rappelons qu’au Québec une loi similaire avait été adoptée en 1970 et que l’avortement ne fut décriminalisé qu’en 1988, et le viol conjugale reconnu seulement en 1983.
Auteur.trice
PASC