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17/06/2011

« La spoliation de la terre s’installe, [en même temps que] l’investissement étranger se renforce, notamment dans l’industrie minière et la culture de la palme africaine, causes directes de déplacements forcés. Approximativement 32 % des 280 000 personnes déplacées qui se sont inscrites en Colombie en 2010, arrivaient de zones où ces deux activités économiques ont progressé de façon notoire ». Jorge Rojas, directeur du Conseil pour les droits humains et le déplacement (CODHES).

Depuis 2004, le PASC accompagne les communautés du Jiguamiando et du Curvarado (département du Chocó) qui ont subi des déplacements forcés et tentent aujourd'hui de récupérer leur territoire collectif malgré l'invasion illégale de leurs terres par des monoculture de palme africaine. Les communautés afrodescendantes et métis du Chocó ne sont pas les seules aux prises avec la violence politique qui accompagne les plantations de palme africaine dont est extraite l'huile de palme, puisqu'il s'agit d'un produit de plus en plus en vogue, particulièrement au sein du marché « bio ». Cette huile se retrouve dans de nombreux produits courants (huile de cuisson, savons, chocolat, cosmétique, etc.) et particulièrement dans les produits ménagers dits « bio »; elle sert également d'agrocombustible ( ironiquement aussi nommé « biodiesel »). Nous présentons ici le cas de la communauté de Las Pavas, Sur de Bolívar. Celle-ci a été spoliée de ses terres, où s'installent maintenant les cultures intensives de palme africaine, propriétés de Daabon, une multinationale qui se présente comme « un leader mondial dans le domaine des produits agricoles bio ». Les produits de Daabon reçoivent la certification écologique et bio d'Écocert. Lors d'une tournée de sensibilisation en Europe à l'été 2010, des membres de la communauté se sont entretenus avec un représentant d'Écocert, Jean Claude Pons « expert » de la Colombie, dans l'espoir de convaincre Écocert de retirer sa certification à l'entreprise Daabon.

Les membres de la communauté ont expliqué que la multinationale du « bio » avait acheté la terre d'un paramilitaire ayant orchestré le déplacement forcé de la communauté. M. Pons leur a répondu que cela ne constituait pas un motif valable pour remettre en cause la certification de Daabon. À propos du conflit généré dans la région, M. Pons affirme qu’il n’a été reconnu par aucune autorité judiciaire ou administrative, et tant que cela ne serait pas fait, il considérerait que ce conflit n’existe pas. Ecocert estime ainsi que les conditions requises sont respectées par Daabon et exclut de l’analyse de la certification la question de la responsabilité de l’entreprise dans le grave conflit opposant la communauté aux paramilitaires responsables de leur déplacement. Or bien qu’il ne soit pas juridiquement possible d'affirmer que l’entreprise ait une responsabilité directe dans le déplacement forcé, il importe néanmoins que celle-ci soit tenue responsable de la dépossession subie par les paysan-nes puisqu'elle continue à occuper les terres et à empêcher le retour des familles. En réponse aux critiques des membres de la communauté, M. Jean Claude Pons a affirmé sur un ton véhément que la meilleure solution consistait à ce qu’ils laissent l’entreprise Daabon poursuivre ses activités et qu’ils acceptent les propositions de négociation que celle-ci présentait, car s’ils continuaient avec leurs réclamations, la communauté et les organisations qui l'accompagnent seraient responsables de la perte de travail de beaucoup d’ouvriers qui dépendent du groupe Daabon!

Cela confirme de manière éclatante ce que nous savions déjà, à savoir que la certification bio est un business lucratif comme un autre dans lequel l’éthique n’est que la 5éme roue du carrosse. D’ailleurs William Vidal, le président d’Ecocert, l'explique à merveille :

« Aujourd’hui, nous sommes à 2 % de consommateurs de produits bio. Et si demain on passe à 15 %, est-ce que les petits producteurs pourront alimenter le marché ? Pourquoi ne pas importer des volumes avec des prix bas, si c’est pour démocratiser la bio auprès de certaines catégories de la population ? Il est vrai que le social n’est pas pris en compte par la réglementation européenne mais nous, en tant que certificateurs, nous ne pouvons pas introduire de nous-mêmes des critères supplémentaires. Notre rôle est de ne pas avoir d’état d’âme car sinon, nous perdrions notre accréditation pour cause de discrimination. » 1

 

Avril 2011 : la Communauté de las Pavas retourne sur ses terres occupées par les plantations de palme de Daabon

Extraits de « Las Pavas : un retour à hauts risques », Blogue de l'avenue Colombie

Chaque jour qui passe est un point de marqué par Daabon contre la communauté paysanne de Las Pavas qui aspire à retourner vivre sur ses terres après 3 ans de déplacement forcé et rien à manger. Bien entendu les cultivateurs de palme africaine ne l’entendent pas de cette oreille, et eux, ont les moyens de se rappeler au bon souvenir du Président Santos qui en remerciement, dès son accession au pouvoir, a donné un Ministre à Daabon ainsi qu’un poste important (pro-export) au voisin et unique autre palmiculteur de la région, le clan Lacouture  ; ainsi pas de jaloux, ou pas trop. Donc rendre la terre aux paysans spoliés, d’accord, mais pas toutes les terres et pas pour y faire n’importe quoi. Las Pavas pose un énorme problème au gouvernement colombien qui doit ménager la chèvre et le chou. Après l’avoir annoncé depuis des mois, les paysans de Las pavas ont décidé de passer à l’acte : le retour. Un acte longuement réfléchi et certainement nécessaire mais à hauts risques, d’où la nécessité de les accompagner et de continuer à dénoncer ceux qui font miroiter les valeurs « bio » et écologiques de l'huile de palme. Nous reproduisons ci-dessous une partie du dernier communiqué en provenance de Las Pavas.


Communauté de ASOCAB, Sur de Bolívar , 4 avril 2011

Traduction : ONG ASK.

Aujourd’hui, plus de 70 personnes adultes sont retournées sur le terrain “Las Pavas” (El Peñón, Sur de Bolívar) d’où elles avaient été évacués en juin 2009 après plusieurs retours et déplacements forcés (1996, 2003 et 2009). Ces personnes demandent à l’État colombien de ne pas considérer cette action comme un délit, mais comme l’exercice du droit fondamental au retour et aussi de protéger le projet de vie construit par les habitants dans la région du Sur de Bolívar. Un projet de vie qui “respecte l’environnement, notre économie paysanne, ainsi que la souveraineté alimentaire que nous voulons transmettre aux générations à venir.” L’action de retour à Las Pavas est impulsée par un groupe de la communauté, auquel se joindra, ces prochains jours, le reste de la communauté, soit 100 familles, ainsi que différentes organisations nationales et internationales.

Considérant

  • Que nous sommes victimes de déplacement forcé, du vol de nos terres et d’atteinte à nos droits de la part du paramilitarisme, du narcotrafic, des entreprises agroindustrielles de palme africaine et de l’État colombien au travers des actions irrégulières ou illégales de fonctionnaires de l’INCODER (Institut colombien pour le développement rural), de l’inspecteur de Police de la municipalité El Peñon et du juge de Mompox.
  • Que le Ministre de l’Agriculture, bien qu’ayant inclus notre communauté dans ce qui s’appelle le « Plan de choc » pour la restitution de terres, n’a toujours pas présenté une proposition à la communauté pour restituer la terre dont nous avons été frustrés. Ses fonctionnaires André Bernal et Jennifer Mojica agissent comme porte-paroles de FEDEPALMA (Fédération nationale des cultivateurs de palme africaine) et tentent de favoriser les entreprises palmicultrices au dépend de nos droits fondamentaux.
  • Que des membres de la Police nationale offrent une protection particulière et semblent au service des entreprises C.I. Tequendama et Aportes San Isidro. On suppose que ces personnes en uniforme seraient en train de préparer une action de force à l’encontre de notre communauté, à la demande des entreprises palmicultrices, ceci contrairement à la réponse donnée par le général Naranjo concernant la protection de la communauté de ASOCAB à l’occasion de son retour.

Nous avons pris la suivante décision :

Exercer volontairement et de manière autonome notre droit fondamental au retour sur les terres de l’Hacienda Las Pavas, desquelles nous avons été déplacés plusieurs fois et dont on a tenté de nous déposséder.

 

L'association « Sauvons la Forêt » organise un boycott des produits d'IKEA pour son utilisation de l'huile de palme

 

Ikea vend de grandes quantités de bougies fabriquées à partir d’huile de palme sans l'indiquer comme matière première sur la liste des composants des produits. Depuis l’action de protestation de Sauvons la Forêt en février dernier, l’entreprise suédoise a pleinement conscience que l’environnement, l’humain et le climat subissent les dramatiques conséquences de l'utilisation d'huile de palme. Ikea persiste malgré tout à fabriquer des bougies avec cette matière première. Dans son argumentation, le géant suédois invoque le label industriel RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil), qui est censé garantir la «durabilité » de la production d’huile de palme. Prétendre améliorer la production d’huile de palme à l’aide de la certification RSPO ne sert à rien d’autre qu’à gagner du temps. Sous le vernis vert de cette excuse, l’expansion des plantations de palmiers à huile s’est accélérée depuis la création de RSPO en 2004. Il est pourtant clair depuis un certain temps qu’il s’agit d’une supercherie ne prévenant aucunement les crimes qui accompagnent ce type de monoculture d'exportation. Le reportage en anglais The Sustainability Lie  (« Le mensonge de la durabilité ») de Global Film et Sauvons la Forêt montre très clairement que même dans les entreprises certifiées, rien n’a changé dans les pratiques désastreuses de l’industrie de l’huile de palme. Déjà en 2008, 253 organisations du monde entier défendant l’environnement et les droits humains, ont dénoncé le label RSPO en le qualifiant de « greenwashing », ou « éco-blanchiment ».

Film (en anglais) : www.rainforest-rescue.org/news/3195/the-sustainability-lie-a-film-about-the-dirty-palm-oil-business

Contactez Ikea Canada : Madeleine Löwenborg-Frick, directrice Ikea Canada, Relations publiques madeleine.lowenborg-frick@ikea.com Tel. 905-637-9440, poste 6378

Notes

  1. Revue Silence, no. 384, novembre 2010, p.12.

La Piedra, no.8, été 2011.

 

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Auteur.trice
PASC