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20/01/2012

En 1971 est né l’un des projets les plus importants pour l’exploitation des hydrocarbures en Colombie. Elf Aquitaine s’est alors installée en Colombie pour devenir ensuite la multinationale Perenco, filiale du groupe Total. Après quatre décennies dans le pays, l’entreprise est aujourd’hui confrontée ouvertement à des questions sur son soutien financier à des groupes paramilitaires.

Le scandale  entourant les relations entre la pétrolière et la stratégie paramilitaire éclate le 9 novembre 2011. Ce jour-là, face à un magistrat spécialisé, Nelson Florentino Vargas Gordillo, un ancien membre des Autodefensas Unidas de Colombia (AUC) du département de Casanare dirigées par Héctor Buitrago Parada, alias Martín Llanos, révèle les détails d'une alliance macabre entre la compagnie franco-anglaise et le groupe armé illégal.   Vargas Gordillo a fait partie des « autodefensas » (paramilitaires) entre 2000 et 2003. Il était actif dans les villages de Villanueva, Monterrey, Tauramena, Receptor et Chámeza, dans la région Casanare, ainsi que dans la région de Boyacá. Dans sa déclaration, Gordillo a décrit précisément les manières d’agir de son organisation et a signalé qu’il existait trois factions responsables à différents niveaux. L’une était chargée du « nettoyage social » (l’élimination de personnes politiquement gênantes, mais aussi de marginaux), une autre gérait la partie politique (la corruption des élites locales), et la troisième, les finances de l’organisation.   A propos de ces dernières activités, il a encouragé expressément le magistrat à ouvrir une enquête sur la compagnie Perenco. Selon Vargas Gordillo, en 2001 et 2002, celle-ci a collaboré avec le groupe commandé par Martin Llanos. « Des représentants de cette entreprise venaient rencontrer Luis Eduardo Ramirez, alias le commandant HK ; ils nous apportaient chaque mois une centaine de jerrycans d'essence, et entre 50 et 100 millions de pesos en liquide. »  HK était membre de l’état-major des Autodéfenses dans le Casanaré. Il est prouvé qu’en mai 2001, celui-ci a été l’auteur de l’enlèvement massif d’au moins 300 personnes dans les plaines orientales. Le 27 décembre 2005, il a été tué par la police.     Vargas Gordillo a expliqué que dans la prison de Combita (Boyacá), un détenu, membre des AUC, connu sous le nom de Joselito Egue Largo, avait des preuves compromettant Perenco. Mais aussi : « Quelques gars sont au courant de tout cela, mais ils ne souhaitent pas parler de peur des représailles. Ces gens finançaient l’organisation et avaient aussi leur mot à dire et un droit de regard sur nos activités » A la fin de l’interrogatoire, il a déclaré que la compagnie pétrolière versait 500.000 pesos (200 euros) pour chaque camion citerne escorté. Il a également indiqué qu’il avait livré un camion transportant des fonds destinés à la contre-guérilla.
A la fin de son interrogatoire, Vargas Gordillo il a affirmé que l'entreprise pétrolière payait $500 000 pour chaque camion de brut escorté. Il a egalement fait remarquer que l'entreprise participait au maintient des routes et avait fait parvenir a l'organisation des ressoucres contre la guerilla. « Quelques gars savent tout cela, mais ils ont peur de parler à cause des représailles. Mais nous avons bien collaboré, ces gens finançaient l'organisation, et ils avaient leur mot à dire sur nos activités. »

 

Ce n’est pas la première fois que des membres des AUC rapportent des présumées transactions avec Perenco. En Février 2010, les chefs des AUC avait déclaré, devant les procureurs de l’unité Justice et Paix, que la compagnie pétrolière les payait pour la protéger et contrer les menaces de la guérilla sur ses infrastructures. Dans une audition conjointe, l’ancien chef militaire Jesus Manuel Pirabán (alias Jorgepirate, accusé d’au moins 200 assassinats), Ramiro Alberto Hernández (alias Policia, responsable logistique du bloc qui avait mandaté Don Mario à recevoir les paiements) et Eiver Vigoya (alias Kangourou), ont tous confirmé le soutien de Perenco.

Daniel Rendon Herrera, alias Don Mario, trafiquant de drogue et comptable du bloc des Centaures des Autodéfenses, a également rapporté des liens avec Perenco. En 2002, Herrera s’est rendu vers les plaines orientales où il a reçu une unité d’au moins 300 hommes. Deux ans plus tard, grâce à diverses sources de financement, cette unité devenait une armée de 3000 combattants. Don Mario, capturé le 15 avril 2009, a expliqué, que entre 2002, lorsque le bloc Centaures a été formé, et 2005, quand les AUC ont pris la décision de se démobiliser, Perenco payait les frais. Il a expliqué qu’en plus de ce financement, l’entreprise leur donnait du carburant pour leurs véhicules, et il a précisé que l’identité des employés de la compagnie qui effectuaient les transaction n’était pas clair pour lui.

  Fac-similé de la déclaration d'un des membres du groupe, concernant la réception de combustible et d'argent en provenance de Perenco.   Pourtant, aucune enquête officielle n'a été ouverte à ce jour contre la multinationale ou ses dirigeants, et ces déclarations n'ont pas été transmises aux autorités.   Nouveaux soupçons   L'entreprise pétrolière a souffert du conflit armé et cherche à se faire discret dans les médias ; de fait, Bernardo Franco Nieto, son représentant officiel, n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet. Le 14 janvier 2000, les Farc ont dynamité le 14 janvier 2000 l'Oléoduc Central du Llano, situé entre Yopal et Aguazul, dans le Casanare. Celui-ci transportait chaque jour environ 38 000 barils de brut, extraits de 14 puits exploités par Perenco. A la fin de cette même année, la compagnie a dû également suspendre la production de gaz pendant trois mois pour des questions de sécurité. Le 20 février 2002, un hélicoptère de l'entreprise Helivalle S.A., prestatrice de service pour la multinationale, a été volé par l'ELN dans les environs de Yopal.   Cependant, le nom de l'entreprise n'a refait surface qu'au milieu de l'année passée. Il s'agissait d'une affaire d'attribution illégale de cinq gisements de pétrole, au cours de la Ronda 2010, événement annuel au cours duquel ceux-ci sont négociés par les différentes compagnies.   En juillet, il a été révélé qu'une entreprise concurrente, Montco, aurait présenté de faux documents dans lesquels elle s'attribuait des expériences d'exploitation pétrolière au Gabon. Le nom de Perenco apparaissait car des employés de l'Agence Nationale des Hydrocarbures (ANH) se sont rendus dans ce pays en tant que représentants de la Perenco, et avec son appui logistique. Ceci a provoqué quelques mois plus tard la démission du directeur de cette entité, Armando Zamora.   A ce sujet, Orlando Cabrales, le directeur actuel de l'ANH, a expliqué à El Espectador que « la participation de Perenco s'est limitée à soutenir les personnes chargées de vérifier les informations de Montco. Cette affaire sera utilisée dans le recours contre l'annulation de l'attribution des cinq gisements, et il a été remis à la justice. »   Actuellement, la compagnie Perenco a deux contrats d'exploitation en vigueur avec l'ANH. Le premier a été obtenu lors de la Ronda 2010, et le second provient d'une cession effectuée l'année passée. Son activité principale est l'exploitation de puits en partenariat avec Ecopetrol. Selon les registres de l'ANH, plusieurs plaintes ont été déposées contre l'entreprise pour des défauts de paiement ou pour des problèmes environnementaux, mais pas pour des liens avec des groupes illégaux.   Il existe une véritable fièvre du pétrole en Colombie, et nous en aurons un nouvel aperçu en novembre, lorsque seront attribués 113 nouveaux gisements de pétrole, sur une surface totale de 15 millions d'hectares. Comme depuis 40 ans, la multinationale Perenco fera certainement partie des 300 investisseurs présents.   Écoulement de pétrole au début de la semaine   Depuis lundi dernier, un écoulement de pétrole ayant provoqué de nombreux dégâts environnementaux a été signalé aux autorités par les habitants de la région du Casanare. Un employé des autorités environnementales a confirmé la situation à El Espectador, et a affirmé disposer de nombreuses photos. Selon des habitants de la zone, l'entreprise n'entretient pas correctement ses infrastructures.   L'entreprise a envoyé un communiqué affirmant qu' « une fuite a été détectée au kilomètre 1,6 de la conduite reliant le puits La Gloria 20 à la station La Gloria, Aguazul, Casanare. » Il affirme qu'un plan d'urgence a été mis en place pour accélérer le nettoyage de la zone et les réparations.   Perenco affirme qu'elle ne ménagera pas ses efforts pour régler ce problème et limiter les impacts de cette fuite sur l'environnement et les particuliers.

Sources El Espectador, 14 janvier 2012.

Traduction PASC

 

Auteur.trice
Norbey Quevedo H.