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18/04/2012

Bogota (CICR) – En 2011, la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Colombie a constaté une multiplication de certains problèmes humanitaires qui touchent la population civile tels que déplacements forcés, menaces, violences sexuelles, infractions contre la mission médicale et dommages aux biens civils.

Rapport Colombie 2011

Le CICR présente aujourd'hui son rapport annuel à Bogota et dans neuf autres villes du pays où il dispose de bureaux. À cette occasion, il rappelle à toutes les parties au conflit l'importance de respecter et d'appliquer rigoureusement les règles humanitaires.

« Nous sommes préoccupés par la détérioration de la situation dans certaines zones, qui est due en grande partie à l'intensification des combats et aux opérations militaires, notamment par les difficultés que les communautés isolées doivent surmonter pour avoir accès à des services essentiels, en particulier dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'eau et des transports, explique Jordi Raich, chef de la délégation du CICR dans le pays. Nous constatons avec inquiétude que de nombreux habitants de cette "autre" Colombie sombrent toujours plus dans l'oubli. »   

En 2011, le CICR a recensé plus de 760 cas de violations présumées du droit international humanitaire et d'autres règles fondamentales commises par les parties au conflit en Colombie. Plus de 150 000 personnes ont bénéficié directement des activités de protection et d'assistance de l'institution. Ces activités ont notamment consisté à apporter une aide d'urgence aux personnes déplacées, à soutenir des projets de construction de petites infrastructures, à faciliter l'accès à la santé, à prendre en charge les restes humains, à fournir une aide pour couvrir les frais funéraires, à évacuer les personnes ayant reçu des menaces, à visiter les détenus et à faciliter la libération des personnes aux mains des groupes armés. Dans de nombreux cas, ces activités ont été menées en collaboration avec la Croix-Rouge colombienne.

Une détérioration de la situation a été observée dans les départements suivants : Cauca, Nariño, Choco, Antioquia, Cordoba, Putumayo, Caqueta, Meta, Guaviare et Norte de Santander. Dans des villes comme Medellin, Tumaco et Buenaventura, les conséquences du conflit viennent s'ajouter à d'autres formes de violence organisée.   

« Des hommes armés sont entrés chez moi alors que j'étais seule avec mon fils de dix ans, raconte une des victimes qui a bénéficié des services du CICR en 2011. Ils m'ont accusée de collaborer avec une faction rivale et ont voulu me faire parler. Ensuite, trois d'entre eux m'ont violée. Les autres n'ont rien fait. Ils sont restés là, à nous regarder. J'ai dû fuir le village avec mon fils. Nous avons marché durant 12 heures pour rejoindre la ville.  »   

Le CICR a également eu connaissance de cas où l'épandage aérien d'herbicide pour éradiquer les cultures illégales a occasionné des dégâts dans les cultures vivrières des communautés vivant dans des zones de conflit, ce qui a mis en danger leur sécurité alimentaire.  

En 2012, le CICR poursuivra les activités qu'il mène dans les zones reculées du pays pour répondre efficacement aux besoins des victimes et des communautés touchées par la violence, auxquelles il a un accès privilégié grâce au statut d’institution neutre, impartiale et indépendante qu’on lui reconnaît. Il continuera également de faire face aux conséquences d'autres situations de violence en zones urbaines.

Informations complémentaires :
María Cristina Rivera, CICR, Colombie, tél. : +57 311 491 07 75
Pascal Jequier, CICR Colombie (anglais et français), tél. : +57 311 491 07 89

 

Rapport 2011 : un appel à respecter les règles humanitaires

Les Colombiens ont souffert en 2011 des conséquences d’un conflit armé qui dure depuis près de 50 ans. C’est le conflit le plus long de l’hémisphère occidental. Ses effets sont aussi aigus et importants aujourd’hui que par le passé. C’est pourquoi l’appel lancé pour que soient respectées et rigoureusement appliquées les règles humanitaires que nous décrivons dans chaque partie du présent rapport est une demande toujours actuelle, nécessaire et pertinente.

En 2011, le CICR, en tant que témoin direct de la dureté et des horreurs du conflit armé et d’autres situations de violence dans différentes zones du pays, a documenté plus de 760 cas de violation du droit international humanitaire (DIH) et d’autres règles fondamentales visant à protéger les personnes. Ces cas révèlent une augmentation préoccupante des déplacements de population, des actes de violence sexuelle, des attaques dirigées contre des biens de caractère civil et des dommages causés aux biens civils.

 

Téléchargez le Rapport original texte complet en espagnol. (PDF)

Extraits:

Les chiffres du CICR, présentés dans chacun des chapitres suivants, ne sont qu’un reflet de la situation qui règne dans la vingtaine de zones du pays où l’institution concentre ses activités humanitaires, mais ils pourraient être révélateurs de tendances nationales.

En 2011, les départements où le CICR a enregistré une recrudescence des hostilités et des conséquences qui en résultent pour les victimes ont été ceux de Cauca, Nariño, Antioquia, Córdoba, Putumayo, Caquetá, Meta, Guaviare et, durant les derniers mois de l’année, de Norte de Santander. En outre, dans des villes comme Medellín, Buenaventura et Tumaco, les conséquences du conflit armé coexistent avec d’autres formes de violence organisée qui causent aussi des souffrances parmi la population civile.

Des départements comme Cauca, Nariño, Putumayo et Caquetá ont été le théâtre de combats, d’opérations militaires et d’attaques. On a également retrouvé cette dynamique dans des municipalités de la région du Catatumbo, dans le département de Norte de Santander. Au regard du droit international humanitaire, les parties au conflit sont tenues de respecter les principes de distinction, de précaution et de proportionnalité dans le but de réduire au minimum les souffrances infligées aux populations civiles et aux autres personnes protégées par le DIH – comme les malades, les blessés et les personnes ne participant plus aux combats –, ainsi que les dommages causés aux biens de caractère civil.

Outre ces zones, où se concentrent les combats, d’autres régions ont, en raison de la présence d’acteurs armés, été touchées par les conséquences indirectes d’un conflit qui dure depuis des années : difficultés d’accéder aux services essentiels comme les soins de santé, l’éducation, l’approvisionnement en eau et les transports ; stigmatisation de la population considérée comme ayant collaboré avec l’un ou l’autre groupe. Dans ces régions, on ne relève pas d’affrontements quotidiens, mais des infractions, telles que des homicides, des menaces et des violences sexuelles, sont commises dans le silence. Là-bas, la situation humanitaire s’aggrave plus du fait de l’oubli, de l’indifférence et de la faible présence des institutions sociales de l’État.

Malgré les efforts déployés par l’État pour contenir le problème, le renforcement des groupes armés émergents, dénommés par le gouvernement « Bacrim », dans des régions d’Antioquia, de Córdoba, du Chocó, de Nariño et de certains départements de la côte des Caraïbes, a contribué à la détérioration de la situation humanitaire. À cela s’ajoute la présence d’autres groupes en marge de la loi dans des villes comme Medellín et Buenaventura, qui a aggravé encore la situation.

Dans ces villes, des quartiers sont sous le contrôle de bandes armées, et il est difficile d’y pénétrer. C’est pourquoi au-delà des études sémantiques sur la distinction entre « conflit armé » et « autres situations de violence », ces dernières étant générées principalement par la criminalité organisée, les conséquences humanitaires de ces deux phénomènes sont pratiquement identiques pour la population : morts, déplacements, disparitions, violences sexuelles et utilisation d’enfants, entre autres choses.

La réponse humanitaire

Le présent rapport contient une description des principaux problèmes qui ont touché la population en 2011, dans différentes parties du pays où le CICR est présent. Y sont également exprimées les préoccupations concernant les personnes privées de liberté, relatives tant au bien-être des personnes aux mains de groupes armés qu’aux conditions de détention de celles qui se trouvent dans des centres de détention de l’État.

Outre le fait de décrire l’impact sur les victimes, le rapport contient des témoignages dignes de foi qui mettent en évidence le caractère chronique de la violence et font état de la réponse humanitaire apportée par le CICR pour atténuer les souffrances et restaurer la dignité des personnes.

Le travail humanitaire du CICR s’articule autour de trois axes principaux : la protection, à savoir les démarches entreprises auprès des auteurs présumés de violations directes du DIH dont le CICR a eu connaissance, le but étant de discuter de ces cas dans le cadre du dialogue confidentiel que l’institution entretient avec tous les acteurs armés ; l’assistance, c’est-à-dire la fourniture directe d’une aide et les activités menées afin de faciliter l’accès aux services de base pour les victimes et les communautés vivant dans les zones touchées par la violence ; et la prévention, par la promotion du respect et de l’application du DIH et d’autres règles humanitaires.

Le CICR ne pourrait pas mener ces activités sans le soutien de la Croix-Rouge colombienne, son partenaire stratégique dans le travail qu’il accomplit en Colombie. Avec la mise en commun de leurs capacités, il peut étendre le champ de son action et venir en aide à un plus grand nombre de personnes qui ont besoin d’assistance.

Enfin, chaque chapitre de ce rapport – avec ses références respectives au droit international humanitaire – contient un message explicite : l’appel lancé à tous les acteurs armés pour qu’ils atténuent les effets des hostilités et de la violence. Une exhortation à respecter la population civile, les personnes qui ont déposé les armes, les blessés et les malades ; en d’autres termes, à respecter les principes internationaux qui, depuis la fin du XIXe siècle, régissent la conduite des hostilités : les normes du droit international humanitaire.

Auteur.trice
CICR