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08/07/2007

La Colombie est l'un des endroits les plus dangereux du monde pour les syndicalistes

Un pseudo processus de démobilisation des paramilitaires combiné à des milliers de cas de menaces et d'homicides et un manque chronique d'enquêtes et de poursuites judiciaires font de la Colombie un des endroits les plus dangereux au monde pour les syndicalistes, selon un nouveau rapport publié par Amnesty International ce mardi 3 juillet. Intitulé Killings, arbitrary detentions and death threats – the reality of trade unionism in Colombia décrit les attaques systématiques dont sont victimes les syndicalistes qui participent aux campagnes syndicales menées contre les privatisations et en faveur des droits des travailleurs dans les zones d'exploitation industrielle. L'École nationale syndicale de Colombie a recensé 2245 homicides, 3400 menaces et 138 disparitions forcées à l'encontre de syndicalistes entre janvier 1991 et décembre 2006. Alors qu'une démobilisation est censée être en cours, les forces de sécurité et les paramilitaires soutenus par l'armée seraient à l'origine de la majorité de ces agressions. Des groupes de guérilla sont également responsables de tels homicides. Pour Susan Lee, directrice du programme Amériques d'Amnesty International, «le message envoyé aux syndicalistes de Colombie est clair : "ne critiquez pas les conditions de travail et ne militez pas pour protéger vos droits si vous ne voulez pas être réduits au silence, à n'importe quel prix"». «En ne protégeant pas les syndicalistes, les autorités colombiennes sous-entendent que les violences à leur encontre peuvent se poursuivre ; les sociétés actives en Colombie risquent elles d'avoir à rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains dont elles peuvent être considérées comme responsables du fait de leur mode de fonctionnement.» Le rapport décrit des cas d'atteintes aux droits humains dont ont été victimes des syndicalistes – et leurs proches – travaillant dans les secteurs de la santé, de l'enseignement, des services publics, de l'agriculture, des mines, du pétrole, du gaz, de l'énergie et de l'alimentation. Amnesty International appelle les sociétés travaillant en Colombie à user de leur influence auprès du gouvernement colombien pour mettre fin aux violences contre les syndicalistes et empêcher qu'ils ne soient victimes de violations de leurs droits fondamentaux. «Ce rapport tire la sonnette d'alarme pour toutes les multinationales opérant dans un environnement où les droits humains sont systématiquement violés. L'inertie n'est plus une option.» Les gouvernements colombiens successifs ont pris des mesures pour améliorer la sécurité des syndicalistes ; certains d'entre eux, qui été menacés, ont bénéficié d'une escorte armée, d'un véhicule pare-balle, de téléphones, par exemple. «Ces gestes sont les bienvenus mais les attaques contre les syndicalistes se poursuivront tant que de véritables mesures n'auront pas été prises pour mettre fin à l'impunité dont bénéficient ceux qui menacent et tuent des syndicalistes.» Le rapport d'Amnesty International met également de l'avant l'accord entre gouvernement, représentants du monde des affaires et confédérations syndicales qui a été signé en juin 2006 en Colombie sous les auspices de l'Organisation internationale du travail (OIT). Cet accord prévoit une présence permanente de l'OIT en Colombie pour surveiller le respect du droit à la liberté d'association dans le pays ainsi que la progression des enquêtes sur les homicides dont ont été victimes des syndicalistes. «L'accord signé sous les auspices de l'Organisation internationale du travail fournit une occasion unique de mettre fin au non respect des droits fondamentaux des syndicalistes. Les autorités colombiennes, les compagnies internationales et colombiennes et le mouvement syndicaliste international doivent maintenant veiller, en collaboration avec l'OIT à Bogotá, à ce que de véritables enquêtes soient menées sur tous les cas de menaces et d'attaques à l'encontre de syndicalistes et de leurs proches.» - Le rapport Killings, arbitrary detentions, and death threats -- the reality of trade unionism in Colombia est disponible à cette adresse: http://web.amnesty.org/library/Index/ENGAMR230012007 ou en espagnol Homicidios, detenciones arbitrarias y amenazas de muerte: la realidad del sindicalismo en Colombia: http://web.amnesty.org/library/Index/ESLAMR230012007

Colombie. La réalité du syndicalisme. Étude de cas

http://web.amnesty.org/library/Index/FRAAMR230162007 - Voici certains des cas figurant dans le rapport d'Amnesty International sur la Colombie : Killings, arbitrary detentions, and death threats -- the reality of trade unionism in Colombia (index AI : AMR 23/001/2007). - Javier Correa, Luis Garcia, Domingo Flores et Nelson Pérez – SINALTRAINAL. Ces dernières années, le syndicat SINALTRAINAL des travailleurs de l'alimentaire a été impliqué dans des conflits du travail, souvent avec de grandes entreprises multinationales. Les violations des droits humains ont souvent eu lieu pendant ces périodes. Le 10 février 2007, une lettre contenant des menaces de mort écrites par des paramilitaires, adressée aux membres de SINALTRAINAL, a été glissée sous la porte des bureaux de l'ASTDEMP à Bucaramanga, dans le département de Santander, au centre de la Colombie. Les menaces de mort visaient Javier Correa, Luis Garcia, Domingo Flores et Nelson Pérez, militants de SINALTRAINAL, les accusant d'être des «syndicalistes terroristes de Coca-Cola», et les avertissant d'arrêter les «troubles dans l'entreprise Coca-Cola, car il y a déjà eu bien assez de dégâts». Dans le cas contraire, les quatre militants deviendraient des cibles militaires du groupe paramilitaire «Aguilas Negras». Cette menace de mort était rédigée sur une feuille de papier avec un en-tête «AUC Aguilas Negras» (Auto Defensas Unidas de Colombia, Forces unies d'autodéfense colombiennes, un rassemblement de groupes paramilitaires). La lettre était censée provenir de «Aguilas Negras Front Lebrija.» Dans une lettre du 7 juin à Amnesty International, l'entreprise Coca-Cola expliquait qu'elle avait communiqué à plusieurs reprises avec les autorités colombiennes en lien avec les menaces reçues par les militants de SINALTRAINAL, demandant aux autorités d'ouvrir une enquête sur ces menaces et de garantir la sécurité des syndicalistes menacés. Amnesty International n'a pas eu connaissance d'avancées significatives de ces enquêtes. - Luciano Enrique Romero Molina – SINALTRAINAL Le 11 septembre 2005, le corps de Luciano Enrique Romero Molina a été retrouvé les mains liées. Il avait reçu plus de 40 coups de couteau. Le corps a été découvert dans l'exploitation agricole de Las Palmeras, dans le quartier de La Nevada, à Valledupar, dans le nord-est de la Colombie, une zone qui serait sous le contrôle des paramilitaires. Les forces paramilitaires de la région étaient pourtant censées être engagées dans un processus de démobilisation, de décembre 2004 à mars 2006. Luciano Romero était le dirigeant de la branche Cesar de SINALTRAINAL, et de l'organisation de défense des droits humains Comité de solidarité avec les prisonniers politiques (CSPP). Le 28 février 2002, SINALTRAINAL avait présenté une série de revendications pour améliorer les conditions de travail à l'entreprise Nestlé-CICOLAC. Ces revendications n'ayant pas reçu de réponse favorable, le syndicat a lancé une grèce le 12 juillet 2002. Les menaces de mort des paramilitaires à l'encontre des dirigeants de SINALTRAINAL se sont intensifiées après le début de la grève. En octobre 2002, Luciano Romero a été licencié de l'usine Nestlé-CICOLAC de Valledupar, avec d'autres collègues. Luciano Romero aurait été menacé par des groupes paramilitaires et forcé de fuir son domicile puis le pays, avant de revenir en Colombie en avril 2005. Luciano Romero devait se rendre en Suisse pour participer à une réunion les 29 et 30 octobre 2005, en tant que témoin des menaces de mort contre les syndicalistes représentant des travailleurs des usines Nestlé en Colombie. L'entreprise Nestlé-CICOLAC a informé Amnesty International qu'elle avait demandé une enquête sur l'homicide de Luciano Romero. Amnesty International n'a pas eu connaissance d'avancées significatives de cette enquête. - Alejandro Uribe – FEDEAGROMISBOL Le 19 septembre 2006, Alejandro Uribe Chacón a été tué en revenant de Mina Gallo, dans la municipalité de Morales, département de Bolívar, semble-t-il par des membres du bataillon anti-aérien Nueva Granada de l'armée de terre colombienne. Alejandro Uribe Chacón était un dirigeant de l'Association des mineurs du département de Bolívar, et président du Conseil d'action communale de Mina Gallo. L'Association des mineurs est liée à la Fédération agrominière du sud du département de Bolívar (FEDEAGROMISBOL). Selon des témoins oculaires, des militaires ont emporté le corps d'Alejandro Uribe Chacón vers une base militaire de San Luquitas, dans la municipalité de Santa Rosa. Selon des informations reçues par Amnesty International, l'armée a présenté le corps d'Alejandro Uribe Chacón le 20 septembre aux autorités judiciaires comme celui d'un guérillero tué au combat. Des témoins auraient déclaré qu'au cours des dernières années, des membres du bataillon anti-aérien Nueva Granada avaient menacé de tuer des dirigeants de FEDEAGROMISBOL. Des militaires auraient également déclaré à des résidents que leurs opérations visaient à garantir la présence d'intérêts miniers de multinationales dans la région. Il s'agit d'une zone où la compagnie de mines aurifères AngloGold Ashanti (Kedahda S.A.) possède des intérêts. Alejandro Uriba Chacón et d'autres mineurs locaux s'étaient opposés à l'arrivée de cette entreprise dans la région. AngloGold Ashanti a écrit ce 5 juin à Amnesty International, déclarant qu'elle ne pouvait faire aucun commentaire sur «les intentions des forces armées colombiennes concernant leur présence dans le département de Bolívar». Faisant allusion aux Principes volontaires relatifs à la sécurité et aux droits humains, l'entreprise a également informé Amnesty International qu'elle «développait [ses] systèmes internes pour assurer l'application de ces Principes dans toute [son] organisation.» Amnesty International n'a pas eu connaissance d'avancées significatives des enquêtes sur cette affaire. - Rodolfo Vecino Acevedo – Syndicat des travailleurs du pétrole (Unión Sindical Obrera de la Industria del Petróleo, USO). Le 25 novembre 2006, des tueurs se déplaçant sur deux motos ont ouvert le feu sur la voiture blindée allouée par l'entreprise pétrolière étatique ECOPETROL à Rodolfo Vecino Acevedo, dirigeant de l'USO, sur la route menant de Barranquilla, dans le département d'Atlántico, à Cartagena, dans le département de Bolívar. Rodolfo Vecino Acevedo ne voyageait pas dans la voiture, mais sa femme, Martha Cecilia Marrugo Ahumada, son garde du corps Àlvaro Marrugo et un ami, Edward Martínez, ont pu s'échapper indemnes. Trois jours plus tard, l'USO a reçu des menaces de mort par e-mail, dans lequel le Bloque Norte de l'AUC aurait revendiqué la responsabilité de cette tentative de meurtre de Rodolfo Vecino, et annoncé son intention de tuer des militants de l'USO et de syndicats étudiants dans le nord du pays. Dans ce message, les paramilitaires donnaient vingt jours aux dirigeants de l'USO et aux militants étudiants de l'université de Cartagena pour quitter la région : «…MALGRÉ NOTRE DÉMOBILISATION NOUS CONSERVONS NOS CAPACITÉS MILITAIRES ET DE RENSEIGNEMENT. AINSI NOUS VOULONS QUE ÇA SE FASSE FILS DE PUTE DE SYNDICALISTES USO FILS DE PUTE DE CHEFS ÉTUDIANTS DE L'UNIVERSITÉ CARTAGENA ET CEUX QUI SE CAMOUFLENT DANS DES UNIVERSITÉS PRIVÉES VOUS AVEZ 20 JOURS POUR QUITTER VOS VILLES…SI VOUS N'OBÉISSEZ PAS…PRÉPAREZ-VOUS À EN SUBIR LES CONSÉQUENCES NOUS SAVONS TOUT ALORS ÉVITEZ LES ENNUIS.» Rodolfo Vecino avait reçu d'autres menaces au cours des dernières années. En juillet 2005, Rodolfo Vecino avait été menacé par le Front urbain (Frente Urbano) de l'AUC. Dans une lettre, les paramilitaires le menaçaient, lui et sa famille, s'il n'abandonnait pas son travail de syndicaliste. Selon des médias, en mai 2006, un individu non identifié s'est approché de Rodolfo Vecino alors qu'il participait à une réunion à Barranquilla, et l'a informé qu'il existait un plan, coordonné par des paramilitaires, des forces de sécurité et des représentants d'intérêts économiques, pour le tuer, lui et deux autres membres de l'USO. La Cour interaméricaine des droits de l'homme de l'OEA a demandé aux autorités colombiennes de prendre des mesures pour garantir la sécurité de Rodolfo Vecino et de sa famille. Amnesty International n'a pas eu connaissance d'avancées significatives des enquêtes sur cette affaire. - Miguel Angel Bobadilla – FENSUAGRO Le 11 mai 2006, des membres des Groupes d'action unifiée pour la liberté personnelle (Grupos de Acción Unificada por la Libertad Personal, GAULA), une unité anti-enlèvement des forces de sécurité, ont placé en détention Miguel Angel Bobadilla et sa compagne Nieves Mayusa à Bogotá. Selon des informations reçues par Amnesty International, les forces de sécurité ont tenté pendant l'opération de forcer l'aîné de leurs enfants à déclarer que ses parents étaient des guérilleros des FARC. Miguel Angel Bobadilla est un dirigeant de FENSUAGRO. Son nom, avec ceux d'autres dirigeants nationaux de ce syndicat, figurerait sur la liste de mort présentée aux paramilitaires par le département administratif de sécurité (DAS). Selon des informations reçues par Amnesty International, Miguel Angel Bobadilla a été suivi par deux hommes non identifiés le 15 mars 2006, alors qu'il sortait de son bureau à Bogotá. En outre, des inconnus maintiennent une surveillance constante sur son bureau. Amnesty International a également appris qu'avant sa détention, deux personnes affirmant être membres de la police judiciaire s'étaient rendues à son domicile pour demander où il se trouvait. Le ministère public a nié avoir envoyé des agents à son domicile. Nieves Mayusa est également membre de FENSUAGRO et appartient à une famille étroitement associée au Parti communiste colombien et au Parti de l'union patriotique (UP). Depuis la fondation de l'UP en 1985, plus de 3 000 de ses membres ont été tués ou victimes de disparitions forcées, dont la grande majorité était l'œuvre des forces de sécurité et des paramilitaires. Des reportages télévisés ont présenté Miguel Angel Bobadilla comme un membre des FARC impliqué dans des enlèvements, l'accusant d'utiliser des téléphones fournis par le programme de protection du gouvernement pour coordonner ces opérations. Selon des informations reçues par Amnesty International, peu après leur arrestation, les sœurs de Nieves Mayusa ont également été détenues par les forces de sécurité. Il s'agit de Carmen Mayusa, une dirigeante de l'ANTHOC, et de Janeth Mayusa, une militante de FENSUAGRO. Le nom de Carmen Mayusa est apparu par la suite dans une lettre contenant des menaces de mort de paramilitaires et visant l'ANTHOC. Selon les dernières informations reçues, toutes ces personnes sont toujours détenues. - César Augusto Fonseca Morales, José Rafael Fonseca Cassiani et José Ramón Fonseca Cassiani Morales – SINTRAGRICOLAS Le 2 septembre 2003, trois membres de SINTRAGRICOLAS (affilié à FENSUAGRO), César Augusto Fonseca Morales, José Rafael Fonseca Cassiani et José Ramón Fonseca Cassiani Morales ont été tués, semble-t-il par des paramilitaires, dans la municipalité de Ponedera, département d'Atlántico. Leurs corps démembrés ont été retrouvés le lendemain. Selon des informations reçues par Amnesty International, Victor Jiménez Fruto, faisant fonction de président de SINTRAGRICOLAS, avait été enlevé puis victime d'une « disparition » forcée le 22 octobre 2002, dans la municipalité de Ponedera. Le 24 juillet 2002, il avait porté plainte auprès du ministère public en lien avec les menaces de mort répétées qu'il recevait. Son prédécesseur, Saúl Colpas Castro, avait été abattu sous les yeux de sa famille le 13 juillet 2001, dans la région de Puerto Giraldo, municipalité de Ponedera. Le 17 mai 2005, José María Maldonado, membre de SINTRAGRICOLAS, a été tué dans la municipalité de Ponedera, semble-t-il par deux paramilitaires à moto. Il avait survécu à une tentative de meurtre présumée deux semaines plus tôt. Tous les membres de SINTRAGRICOLAS mentionnés ci-dessus auraient figuré sur la liste du DAS. Amnesty International n'a pas eu connaissance d'avancées significatives des enquêtes sur ces affaires. - Voir aussi «Colombie. Réalité du syndicalisme aujourd'hui. Faits et chiffres»: http://web.amnesty.org/library/Index/FRAAMR230152007?open&of=FRA-COL
Auteur.trice
Amnistie Internationale