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22/06/2011

La Piedra, no 8, été 2011

La Colombie possède les plus grandes réserves carbonifères d’Amérique latine, en plus de posséder d'immenses dépôts d’or, d’argent, de platine, d'émeraudes, ainsi que du nickel, du cuivre, du fer, du manganèse, du plomb, du zinc et du titane. « Cette richesse, ajoutée aux lois favorables qui régissent cette activité, fait qu’actuellement 40 % du territoire colombien est sollicité sous forme de concession par l’industrie minière », affirme Mario Valencia, du Réseau colombien face à la grande industrie minière transnationale (RECLAME). Les multinationales possèdent en effet des concessions sur plus de 43 000 km². Cette industrie est par ailleurs la première en termes d'investissements étrangers : selon les données du département colombien du Commerce extérieur, 85 % de l’investissement étranger au pays se trouve dans les secteurs de l’extraction de minerais et d’hydrocarbures. Le secteur minier est sans contre-dit celui qui connaît la croissance la plus fulgurante, avec une augmentation de 500% des investissements en provenance de l'étranger entre 2002 et 2009. La loi 685 de 2001, qui donne vie au nouveau Code minier élaboré sous les auspices de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), n'y est pas étrangère.

Développement minier sur les territoires autochtones et afrocolombiens : quelle « responsabilité sociale » ?

En novembre 2010 avait lieu à Bogotá le Second forum Canada-Colombie portant sur la responsabilité sociale des entreprises. Organisée par la Chambre de commerce colombienne, cette rencontre réunissait des investisseurs canadiens (principalement du secteur minier) et des hauts fonctionnaires colombiens. Le nouveau Ministre des Mines et de l’Énergie, Carlos Rodado, en profita pour présenter le Code minier national adopté en 2001 et pour annoncer la création de nouvelles zones minières légales dans les départements d'Antioquia, Cauca, Chocó, La Guajira, Guainía et Vaupés. Parmi les nouvelles concessions minières projetées 55 sont situés sur des territoires autochtones et 56 sur des territoires collectifs des afrocolombien-nes. Selon les dires du Ministre, l'octroi de nouvelles concessions minières se réalise dans le but d’améliorer le bien-être des communautés résidant dans des régions où l’activité minière illégale est en croissante augmentation (sic). « Le gouvernement se veut le garant d’une industrie au développement responsable, respectueuse de l’environnement et source d’insertion, dans un secteur où la légalité est une priorité et où la responsabilité sociale est un dénominateur commun de l’industrie minière colombienne », déclare le Ministre. Pour atteindre les objectifs de développement durable, M. Rodado compte s'inspirer d'un exemple en la matière : le Canada (!!!). « Le Canada est leader en matière de Responsabilité sociale, car culturellement ils sont habitués à chercher des solutions pacifiques à tout conflit. Ils évitent les problèmes et cherchent toujours une solution à l’amiable (sic) », a expliqué Paul Gomes, président de Magellan Corporate Strategies Inc., qui souhaite que s'intensifie la « participation des populations autochtones ou afro-colombiennes dans les entreprises de prospection minière ». En effet, le Ministre Rodado s'est déclaré confiant quant au fait que l'expérience de l'industrie minière canadienne et ses bonnes pratiques peuvent s’appliquer en Colombie. « Sans aucun doute, la Colombie affronte un grand défi en matière de responsabilité sociale coopérative, celle-ci doit être incluse dans toutes les activités du secteur et c’est précisément cette connaissance que nous recherchons auprès du Canada », a-t-il précisé.

Éliminer l'activité minière artisanale pour céder le territoire aux multinationales

Comment s'assurer que les lois environnementales et les droits des travailleurs soient respectés? « En luttant contre l’exploitation minière illégale » répond Beatriz Uribe, Ministre rattachée à l’Environnement et au Développement territorial. La Loi 1382 [Pour consulter le code de mines [http://www.simco.gov.co/Portals/0/ley685.pdf ]] , sous le prétexte d’enrayer l’extraction minière illégale. Par extraction illégale, on entend les petits exploitants miniers qui n'ont pas de capitaux, dont les outils du travail sont artisanaux et qui sont obligés de vendre bon marché, ainsi que ceux chassés de leurs terres par les paramilitaires, qui ne peuvent plus prouver la propriété de leurs terres. Cette même loi assouplit les exigences environnementales et permet l’autorisation de nouveaux projets qui voudraient s’installer dans des zones soustraites à l’exploitation minière pour leur importance écologique. Juana Díaz, porte-parole pour le Bureau des Territoires et de la Biodiversité de l’Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC) explique : « En 2001 le Code des Mines a été réformé avec la loi 685 qui est apparue très avantageuse pour les grandes entreprises. On a alors perdu la primauté de la propriété étatique sur les territoires miniers, ainsi que les éléments de protection de l’environnement et la reconnaissance de zones minières artisanales. En outre, ce nouveau Code minier introduit quelques exigences que seules les entreprises multinationales peuvent rencontrer en ce qui concerne l’infrastructure et la machinerie. Plus grave encore, il a éliminé la condition requise de permission environnementale pour l’exploration ». Si le Président Santos accueille les compagnies canadiennes à bras ouverts, son gouvernement applique des mesures répressives contre les petits artisans miniers : visites surprises dans les mines, retrait des permis pour risques à la sécurité, augmentation du montant des amendes, etc. Selon les dires du gouvernement, ces mesures ont pour objectif de régulariser la petite industrie minière, laquelle serait la plus grande cause de contamination, tuerait le plus de travailleurs par son manque de sérieux et serait devenue une nouvelle source de financement pour les groupes illégaux. Cependant, Mario Valencia de RECLAME considère qu'il s'agit avant tout d'une façon d'éliminer les mineurs indépendants et de libérer les territoires pour donner les concessions à de grandes entreprises : « En Colombie, il y a plus de 2 millions de mineurs artisanaux, à petite échelle, qui survivent depuis longtemps grâce à cette activité. Le gouvernement essaie de leur prendre cette source de travail et de remettre l’exploitation aux grands projets miniers », affirme-t-il. « D’une façon détournée, il a mis dans le même sac l’industrie minière artisanale avec celle qui est illégale, alors il acquiert l’autorisation de les poursuivre de la même façon et trace le chemin pour les grandes multinationales ».


Références : Abad, Susan. «La Colombie, un pays en concession : l’extraction minière sans discrimination affecte la durabilité environnementale et culturelle », publié par Noticias Aliadas.  Actes du Forum : « Dialogue binational entre le Canada et la Colombie sur le thème de la responsabilité sociale corporative », Bogotá, 10 de noviembre 2010. Dumond, Aurélie. Colombie : l’invasion du secteur privé transnational, Rapport de recherche 2006. PASC, Montréal. Organización Nacional Indígena de Colombia (ONIC) , Red Colombiana frente a la gran minería transnacional (RECLAME).

Le Réseau colombien face à la grande industrie minière transnationale (RECLAME) regroupe 60 processus communautaires, organisations sociales, étudiantes, écologiques et syndicales de Colombie partageant les objectifs suivants : 1) Lutter contre la grande industrie minière transnationale ; 2) Lutter contre les lois d'expropriation et 3) Défendre la vie, la souveraineté nationale et la permanence sur le Territoire. Le Réseau annonçait sa création en février 2010 par le biais de ce communiqué : «  Dans le contexte de la grave crise économique, politique et sociale que vit la Colombie, les grands capitaux consolident leur méthodes d'accumulation sur l'ensemble de la géographie nationale en s'appuyant sur la politique du gouvernement : « Vision 2019 : La Colombie,un pays minier », qui entend remettre aux transnationales nos richesses naturelles et minières. Ce processus de concentration de la richesse implique l'appropriation des territoires qui garantissent la subsistance des différentes populations du pays. Il a généré un nombre incalculable de conflits qui dérivent vers une plus forte militarisation et exacerbent les confrontations armées, la violation des droits humains, la surexploitation et la paupérisation des travailleurs et des communautés, la dégradation de l'environnement, ainsi que le phénomène de corruption. Ces phénomènes causent tous la détérioration des processus de participation et de décision communautaires construits dans les régions [...] ». La Red de Hermandad, espace international de coordination auquel participe le PASC, est membre du RECLAME. La deuxième rencontre nationale de Reclame avait lieu les 8 et 9 avril 2011.

Pour plus d'informations : http://www.reclamecolombia.org/ .

La Fédération agricole et minière du Sur de Bolívar (FEDEAGROMISBOL) est née dans les années 1990 lorsque les miniers artisanaux, les petits producteurs de café et les paysans de la région se sont associés pour faire face à la crise agricole qui secouait le pays. Ses membres réclamaient de meilleures garanties pour la production et la mise en marché des produits agricoles et miniers. Elle joua par la suite un rôle d'avant-plan au sein des luttes sociales de la région, exigeant que les besoins de base de la population soient satisfaits et que ses droits fondamentaux soient respectés; hors, ceux-ci sont systématiquement violés dans le contexte de paramilitarisation que connaît la région. La FEDEAGROMISBOL regroupe aujourd'hui plus de 3500 miniers artisanaux et représente une force sociale combative s'opposant à la colonisation de la région par les minières transnationales et aux plans néolibéraux d’appauvrissement de la petite paysannerie. La FEDEAGROMISBOL est membre de la Red de Hermandad et le PASC réalise des visites ponctuelles dans la région lors d’évènements ou en cas de menaces aux dirigeants de l'organisation. Pour en savoir plus (en espagnol) [: http://fedeagromisbol.org->: http://fedeagromisbol.org] .

La région du Sur de Bolívar est une des régions visées par les minières canadiennes. À ce propos, Étienne Roy Grégoire (du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique) et Jamie Kneen (de Mining Watch) ont exprimé de vives préoccupations devant le Comité permanent sur le commerce international de la Chambre des Communes, dans le cadre des audiences sur les relations commerciales entre le Canada et la Colombie. Ils déclarent : « Les investissements visant des territoires qui ont fait l’objet de déplacements forcés posent problème. Nous avons observé cette dynamique de manière aiguë dans le cadre de notre étude de cas sur la région du Sur de Bolívar, dans le Magdalena Medio. Entre 1994 et 2007, 53 202 personnes ont été déplacées violemment de leurs terres dans le Sur de Bolívar et 380 personnes y ont connu une mort violente pour des motifs politiques. Malgré cela, plusieurs gisements du Sur de Bolívar ont fait ou font l’objet actuellement de concessions d’exploration octroyées à des sociétés transnationales, dont certaines sont enregistrées au Canada. Notre étude a conclu que ces investissements posent des risques très élevés: - de bénéficier à des groupes armés s’étant appropriés, par la violence, des territoires visés par ces investissements; - de motiver la réorganisation et le renforcement de groupes paramilitaires préalablement démobilisés; - enfin, de bénéficier de violations aux droits de la personne commises par ces groupes contre des populations et des défenseurs de droits humains qui s’opposent à ces investissements

Références : « L'accord de libre-échange Canada-Colombie : Enjeux de droits de la personnes et cohérence de la politique étrangère canadienne. » Présenté au Comité permanent sur le Commerce international, Chambre des Communes, Ottawa, le 1er décembre 2009.


Pour en savoir plus : Mining Watch Canada, Censat Agua Viva, Inter Pares. Octobre 2009. Terre et Conflit. Extraction des ressources, droits de la personne et responsabilité sociale des entreprises : les sociétés canadiennes en Colombie. En ligne: http://www.interpares.ca/fr/publications/pdf/Terres_et_conflit.pdf

Du gouvernement colombien aux conseils d'administration des minières canadiennes 

En août 2006, l'ex-Président Álvaro Uribe nomme María Consuelo Araújo Ministre des Relations extérieures. Elle abandonne le poste l'année suivante dû aux enquêtes ouvertes contre son frère et son père dans le cadre du scandale de la « parapolitique ». L'ex-Ministre des Relations extérieures est maintenant présidente de la Gran Colombia Gold Company, une entreprise canadienne qui exploite l'or et l'argent dans les départements d'Antioquia et de Nariño et qui se dédie au rachat de compagnies locales. Par exemple, la Gran Colombia Gold Corp. possède 95% de Frontino Gold (dép. d'Antioquia) qui fût liquidée par Uribe en 2009. Les 5% restants sont possédés par la Medoro Ressouces Ltd, autre entreprise canadienne qui compte également un ancien Ministre colombien en son sein.

Gran Colombia Gold Company,

Siège social : 333 Bay Street, Suite 1100 Toronto, Ontario M5H 2R2

Telephone: (416) 360-4653 Fax:(416) 360-7783

Email:     investorrelations@grancolombiagold.com

Auteur.trice
PASC