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09/03/2008
Publié dans La Piedra en el Zapato, no 4, mars 2008 Ce texte émerge de nos conversations avec les prisonniers politiques de la picota. Ces réflexions et impressions émergent de nos liens affectifs avec nos collègues «d’en dedans», mais plus que tout elles naissent de nos engagements politiques et quotidiens réciproques. C’est pour cette raison qu’il nous semble si important de visibiliser la situation des camarades sequestrés dans les austères cachots de l’Etat, et ainsi lancer un cri pour briser l’apathie et la résignation de cette société mécanisée elle-même forcé d’oublier notre histoire. Nous prétendons diffuser et faire connaitre ce qui ce vit en dedans, le traitement que subissent nos camarades, et la grande farce que sont les prisons. Parce que la resocialisation dont on parle tant n’est qu’une idée sur papier, une simple loi perdue dans les archives de l‘INPEC (Institut National Pénitencier et Carcéral) et un outil efficace pour nous faire taire et faire oublier notre lutte politique à coup de violence et d’isolement. QUE CE PASSE-T-IL QUAND ILS NOUS ENFERMENT: Étant privée de leur liberté la grande partie des détenus politiques perdent le contact direct avec leurs organisations et donc avec le travail politique qu’ils réalisaient. Cette fragmentation entre la réalité et son implication politique est un emprisonnement en dehors du monde et de la réalité que vit le pays. Le sentiment d’être seul commence alors à entrer dans les esprits et la sensation d’avoir été oublié pour ce qui est arrivé devient un cauchemar qui nous hante jour et nuit. Les posibilités de s’organiser politiquement sont plutôt compliquées, et pire encore si tu es identifié comme prisonnier politique les possiblités d’accéder à un emploi de formation académique est presque impossible. Les camarades se retrouvent donc complètement isolés de tout travail politique direct ce qui le plus souvent entraîne un sentiment d’inutilité et une perte directe d’engagement. En dedans, le travail politique se résume à l’organisation de l’entretien et la mise en ordre du patio; qui fait le ménage et qui s’occupe de quoi, bien que la majorité du temps les organisations n’arrivent pas même à se réunir pour s’occuper de ce minimum. Devant les difficultés d’organisation, les prisonniers politiques du patio 2 de la picota ont, il y a quelques mois, décidés de s’organiser et d'adopter des accords concrets quant à l’organisation politique. C’est ainsi qu’ils ont crée le comité de cohabitation. Ce comité s’occupe de l’entretien et de l’organisation générale du patio et des passerelles, mais le travail ne se réduit pas à cela. Organisés par passerelles (5 dans chaque patio), dont sont en charge deux “ passerelleux”, le travail principal est de renforcer les relations entre prisonniers sociaux et prisonniers politiques par le dialogue direct et dans certains cas par du travail plus en profondeur, tout ceci dans l’idée de ne perdre en aucun moment sa dignité et d’une certaine façon l’équilibre politico-personnel. Il y a des activités spécifiques comme le contrôle des drogues, qui dans la majorité des cas sont introduites par le personnel carcéral qui profite des bénéfices économiques du trafic. L’usage de drogue est donc pratiquement restreint, et pas seulement pour des questions moral ou de jugement, mais parce que la consommation de drogue dans un pénitencier devient une fuite facile face à l’emprisonnement et l’ennui, et fini par détruire l’individu le faisant sombrer dans l’abîme de l’apathie et de la résignation, de l’inertie et du vide... Les cas concrets d’utilisation par l’Etat de la drogue comme moyen de détruire les mouvements révolutionnaires (panthères noires) nous les connaissons bien et l’expérience montre comment il est capable d’en finir avec les bases et les fondements les plus solides d’une organisation révolutionnaire. Les comités de cohabitation se chargent également de recevoir les nouveaux détenus, leur faire connaitre la situation d’en dedans, leur montrer les conditions de vie de la prison et paradoxalement leur ouvrir des espaces d’organisations inespérés en prison. L’appui psychologique aux nouveaux détenus est une autre tâche des comités de cohabitation, les nouveaux détenus étant dans la majorité des cas éloignés de leur lieu d’origine ce qui provoque un grand manque affectif que l’emprisonnement accentue et souvent rend impossible à gérer. Depuis ces 7 mois d’existence, le comité de cohabitation a obtenu des victoires très importantes pour les détenus, mais surtout il est une arme pour affronter l’hostile réalité qui s’y vit, ce qui représente une lutte directe contre cet absurde état de fait. Il y a quelques années il existait des tables de travail composées d’élus et dirigées par les détenus eux-mêmes, elles furent d’une grande importance pour l’organisation politique interne des prisons. Aujourd’hui elles ont été réduites à des comités de droits humains qui sont dirigés par le directeur de la prison, et c’est précisement lui qui décide qui y participe ou non. Récemment, au sein des comités de droits humains se fait sentir une organisation qui peu à peu se fortifie, bien qu’il ne s’agisse pas d’une éléction directe ni d’une organisation des et par les détenus, il s’agit d’un outils utile pour articuler et établir des rapprochements entre différents patios et entre les détenus de tout le pénitencier. L’idée c'est de commencer à faire valoir les droits des détenus et visibiliser l’hostile inégalité qui se vit en dedans. Cette proposition surgit aussi de la nécessité d’organisation et de dialogue politique face à la réalité existente derrière les murs. Pour l’instant, une seule réunion à pu être réalisée, mais nous espérons avec anxiété (autant en dehors qu’en dedans) que cette grande oportunité ne soit pas anéantie et qu’elle serve d’instrument de lutte et d’organisation politique dans les prisons. Un autre grave problème au sein de la prison c’est la perte d’identité politique. Certains camarades en viennent à oublier leur engagement pour la lutte sociale et transforment cette lutte en simple survie dans le pénitencier. Les idées politiques se trouvent réduites à un simple passé qui bien que très proche semble inatteignable dans la mémoire. Ne pas assumer cet engagement, tant en dehors qu’en dedans, c’est un évident et grave triomphe du système capitaliste qui tente de séparer et fragmenter chaque fois plus un mouvement interne qui n’est déjà pas si solidement constitué. Pour cette raison la question de la dignité et de l’engagement sont deux éléments rescapés par les prisonniers politiques et auxquels ils s’accrochent comme à une arme substantielle dans la lutte quotidienne contre l’angoisse, l'emprisonnement et l’étouffement. Se reconnaitre comme prisonnier politique est en soi un acte de courage et de témérité, et au delà de seulement le reconnaitre, aussi l’assumer et le porter dans ses tripes à tout moment, à tout instant et où que ce soit. Parce que la resocialisation derrière le mur se fait par les coups, la torture, les humiliations et les passages à tabas... Parce qu’à chaque instant ils te frappent, te marchent dessus, et parfois te mettent à terre... mais lorsque nous tombons, nous nous relevons avec plus de rage et plus de haine, et cette haine nous la transformons en force et en courage et nous en venons à surmonter l’absurde état des choses pour lequel nous nous retrouvons en dedans. Nos dents s’assèrent, notre rage et notre haine s’organisent, notre vue se fait plus précise et nos yeux visent comme des flèches envenimées, ces mêmes yeux qui voient cet accord humanitaire dont nous faisons partie mais dont nous nous sentons mis à l’écart et exclus. Et bien que nous voyons cet accord comme nécessaire, nous n’acceptons pas un échange de moins contre plus, ou de numéros contre séquestrés. Nous prétendons et voyons comme nécessaire de nous faire voir comme ce que nous sommes, des militants de la lutte social, transformateurs de cette société, qui pour des motivations politiques et de dignité nous retrouvons ici, en dedans, séquestrés. Que les gens réagissent, qu’ils brisent leur bulle de cristal et se rendent compte de qui est le vrai terroriste, de qui sont les vrais criminels dans cet État de droit dans lequel on veut nous domestiquer. Parce que la vrai et la plus claire des violences c’est le subtil endormicement que crée l’apathie et la résignation, l’indiférence et la commodité. Avec notre poing et notre dignité en l’air, pas un pas en arrière... PARCE QU’IL Y A QUELQUE CHOSE DE PLUS GRAND QUE LA LIBERTÉ..... C'EST LA HAINE CONTRE QUI VOUS L'ENLÈVE !!!!

LIBERTÉ IMMÉDIATE À TOUTES LES PRISONNIÈRES ET PRISONNIERS POLITIQUES !!!!

(Croix noire anarchiste-Bogota- Croix noir d’en dedans – prison la picota) Année 23 de l’ère Orwell
Auteur.trice
TRASPASA LOS MUROS