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05/09/2011

Suite au 11 septembre 2001, l’aide financière des États-Unis à la Colombie, jusqu’alors destinée à la lutte contre le narcotrafic par l’intermédiaire du Plan Colombie s’est étendue à la lutte contre le terrorisme.

Dès le mois d’octobre 2001, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), l’Armée de libération nationale (ELN) et les groupes paramilitaires ont été inclus à la liste des groupes terroristes. L’ex-président Álvaro Uribe a mis en œuvre la politique dite de « sécurité démocratique », avec pour objectif la récupération du contrôle territorial et le renforcement de l’État, au moyen notamment d’une augmentation considérable du buget assigné à la défense, qui est passé de 5,2% du PIB en 2004 à 14,2% en 2010 (11.057 millions de Dollars), dépassant pour la première fois le budget attribué à l’éducation (13,9% du PIB).

Ladite politique de « sécurité démocratique » a été entre autres caractérisée par l’adoption en 2005 de la loi « Justice et Paix », prévoyant la démobilisation paramilitaire et favorisant à terme l’impunité. Seuls 2% des paramilitaires démobilisés ont ainsi été soumis à un procès pour les crimes commis. Cette démobilisation n’a pas eu pour effet la neutralisation des groupes paramilitaires, au contraire, ceux-ci ont accru leur influence au sein des secteurs gouvernementaux, ce qui a abouti au scandale de la « parapolitique ».

En instituant des « réseaux d’informateurs », le gouvernement a aussi impliqué la population civile dans le conflit armé, ce qui constitue une violation grave du droit international humanitaire.

Par ailleurs, 23 chefs paramilitaires ont été extradés aux Etats-Unis où ils sont poursuivis pour trafic de drogue, blanchiment d’argent et terrorisme, les soustrayant ainsi à une condamnation pour les crimes perpétrés en Colombie (massacres, disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires, torture, viols, déplacement forcé, etc) et entravant le droit des victimes à la vérité, la justice et la réparation.

En outre, les deux mandats de l’ex-président Uribe (de 2002 à 2010) auront été marqués par plus de 2500 cas d’exécutions extrajudiciaires, connues sous le nom de « faux-positifs ». Ces exécutions sont le résultat des politiques mises en place par le gouvernement visant à encourager les membres de l’armée colombienne à neutraliser les groupes armés irréguliers, en échange de rétributions financières. De nombreux civils ont ainsi été assassinés par les forces armées, puis présentés comme « guérilleros morts au combat » afin de recevoir les primes promises par le gouvernement.

Au nom de la lutte contre le terrorisme, la thèse selon laquelle l’État était habilité à agir hors-la-loi pour combattre celui-ci a gagné du terrain. Le Département Administratif de Sécurité (DAS), organisme des services de renseignement directement rattaché à l’Exécutif s’est alors livré, par l’intermédiaire de l’unité spéciale de renseignement stratégique dénommée « G3 », à une série d’activités illégales allant des écoutes téléphoniques aux menaces et attentats à l’encontre d’environ 600 personnes, en majorité défenseurs des droits de l’Homme, journalistes, dirigeants politiques et syndicaux, membres de l’opposition ou encore magistrats.

L’ex-président Álvaro Uribe Vélez, ainsi que certains hauts responsables du DAS sont aujourd’hui soumis à des poursuites. Uribe fait l’objet d’une enquête préliminaire menée par la Commission d’Enquête du Parlement, de manière à déterminer s’il est responsable des écoutes téléphoniques illégales réalisées par le DAS sous ses deux mandats. Bernardo Moreno Villegas, Secrétaire général à la Présidence d’Uribe pendant six ans, est accusé d’association de malfaiteurs. En outre, l’ex directeur du DAS Jorge Noguera Cotes est actuellement soumis à un procès pour ses liens avec les paramilitaires et l’assassinat de trois personnes. Le gouvernement colombien a également annoncé la demande d’extradition de María del Pilar Hurtado, elle aussi ancienne directrice du DAS accusée d’association de malfaiteurs et réfugiée au Panamá depuis novembre 2010.


Pour plus d’information :

En espagnol : Colombia - Las actividades de inteligencia del Estado –DAS- al servicio de intereses criminales y de persecución política (2010) 

En anglais : Colombia : The intelligence activities of the State -DAS- serving criminal interests and political persecution (2010)

 

 

Dossier spécial 11 Septembre

 

Traumatisme majeur, rupture profonde dans l’ordre géopolitique mondial, le 11 septembre 2001 a également marqué le début d’une véritable régression des droits et libertés.

 

Les attentats de New York ont en effet été immédiatement suivis de l’adoption par de très nombreux pays, y compris les pays démocratiques, en premier lieu les Etats-Unis et le Royaume Uni, de législations d’exception particulièrement liberticides.Au nom de la lutte contre le terrorisme, ces textes ont légalisé la possibilité de détenir pour une période indéterminée des non ressortissants, sans aucune charge précise, sur la simple suspicion de leur participation à des activités terroristes ou de liens même supposés avec des organisations terroristes. De nombreux Etats autoritaires ont adopté des législations similaires, qu’ils ont aussi utilisées pour légitimer la répression de leurs opposants, des défenseurs des droits de l’Homme et criminaliser toute autre forme de protestation sociale.

 

Quelles ont été les conséquences sur les droits fondamentaux de l'adoption du Patriot Act et de l'Antiterrorism Act?

 


Dossier spécial 11 septembre - Anti-terrorisme... by fidhdailymotion

 

La lutte contre le terrorisme a également servi de prétexte à des pratiques absolument interdites et réprouvées, dont le recours « légalisé » à la torture dans des centres de détention tels que Guantanamo ou Abou Ghraïb sous contrôle américain, ou dans de nombreux autres centres de détention nationaux secrets afin d’échapper à tout cadre légal. Dans certains cas, des gouvernements ont eu recours à des assassinats ciblés et extrajudiciaires. Selon Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH, « la propagande de légitimation des atteintes aux libertés au nom de la lutte antiterroriste, relayée par le réflexe de peur engendré et instrumentalisé, a conduit à un abandon progressif des valeurs essentielles de l’humanité ».

 

Quel bilan peut-on tirer de la lutte contre le terrorisme qui a suivi les attentats du 11 septembre?



Dossier spécial 11/09 - Anti-terrorisme et... by fidhdailymotion

 

Dix ans plus tard, loin d’avoir porté ses fruits, cette politique liberticide a des effets dévastateurs. Certes, l’élection de Barack Obama a entraîné un changement de discours salutaire. Mais force est de constater que l’engagement pris de fermer la prison de Guantanamo ne s’est toujours pas concrétisé. La guerre se poursuit en Afghanistan et l’alliance entre le mouvement Talibans et diverses mouvances terroristes semblent gagner du terrain. Au-delà du combat mené par les États-Unis et ses alliés contre Al Qaeda, d’autres États invoquent la lutte contre le terrorisme pour continuer d’agir en toute impunité, comme le font les autorités russes dans le Caucase du Nord. Le reste de l’Asie n’est pas épargnée avec, par exemple, la politique de répression menée par la Chine à l’encontre de ses minorités, que se soit au Tibet ou au Xinjiang contre le peuple Ouïghour.

 

Quel impact les attentats du 11 septembre ont-ils eu sur les politiques antiterroristes en Asie?



Special 9/11_Antiterrorism and human... by fidhdailymotion

 

Au prétexte de la lutte contre le terrorisme, de nombreuses dictatures ont longtemps bénéficié du soutien souvent inconditionnel, de pays occidentaux, leur permettant de se maintenir au pouvoir. Alors que les révolutions secouent le monde arabe depuis le début de l’année 2011, beaucoup de dirigeants de pays occidentaux semblent enfin réaliser que soutenir les aspirations des peuples pour la conquête des droits et libertés contribue davantage à la stabilité de l’ordre international que le maintien au pouvoir des régimes autoritaires. Ce changement d’attitude reste toutefois timide, freiné à la fois par divers intérêts d’ordre économique et géostratégique et par le scepticisme voire l’inquiétude suscitée par ces bouleversements rapides.

Dans ce contexte, la FIDH demande l’abrogation des législations liberticides adoptées ou renforcées au lendemain du 11 septembre au nom de la lutte antiterroriste, et demande aux Etats d’oeuvrer pour une meilleure prise en compte des droits de l’Homme dans leur lutte contre le terrorisme.

   

Pour plus d'information, consulter les dossiers :

Antiterrorisme et droits de l'Homme en Afrique

Antiterrorisme et droits de l'Homme en Asie

Antiterrorisme et droits de l'Homme au Maghreb et Moyen-Orient

Antiterrorisme et droits de l'Homme en Europe de l'est et Asie centrale

Antiterrorisme et droits de l'Homme en Amérique latine

 

Contact presse:
Arthur Manet : +33 6 72 28 42 94
Twitter : @fidh_ngo
 
Source: Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), Paris, le 1er septembre 2011

 

Vous pouvez lire ce dossier dans une autre langue :

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Auteur.trice
FIDH